Le dernier rapport du Bureau central des statistiques (CBS) dresse un portrait saisissant des inégalités sociales en Israël, révélant notamment quelles villes offrent à leurs habitants la vie la plus longue — et lesquelles restent à la traîne. Sans surprise, la corrélation entre richesse, éducation et santé ressort avec une clarté brutale : dans les villes les plus favorisées, on vit près de dix ans de plus que dans les localités les plus pauvres.
La ville qui enregistre l’espérance de vie la plus élevée d’Israël est Modi’in-Maccabim-Reout, avec une moyenne remarquable de 87,5 ans. Ce chiffre dépasse d’environ 5 % la moyenne nationale, qui s’établit entre 2019 et 2023 à 83,1 ans. À l’autre extrémité du classement, la ville où l’espérance de vie est la plus basse est Umm al-Fahm, avec seulement 78,8 ans, un écart qui témoigne de fractures profondes dans l’accès aux soins et dans les conditions de vie.
Juste derrière Modi’in, on retrouve des villes à haut niveau socio-économique : Raanana (86,7), Hod Hasharon (85,7), Givatayim (85,4), Kfar Saba (85,3) et Herzliya (85,2). Toutes appartiennent aux groupes socio-économiques supérieurs et bénéficient d’une forte concentration de diplômés, d’un accès facilité aux services médicaux et d’un niveau de vie globalement élevé.
Les grandes villes, étonnamment, se situent autour de la moyenne haute : Tel-Aviv, Jérusalem et Haïfa affichent toutes une espérance de vie comprise entre 85,3 et 85,4 ans. Pour Haïfa, longtemps pointée du doigt pour sa pollution industrielle, ces chiffres constituent un démenti intéressant aux études alarmistes des dernières années.
À l’inverse, plusieurs villes à faibles revenus figurent parmi les dernières du classement : Acre (79,2), Rah’at (79,8), Tibériade (80,5), Lod (80,5) et Nazareth (80,5). Ces localités cumulent souvent éloignement des grands hôpitaux, densité de population, pauvreté accrue et systèmes éducatifs fragilisés.
Ce constat, déjà bien connu des experts en santé publique, est confirmé par les données du CBS : plus le niveau socio-économique d’une localité est élevé, plus ses habitants vivent longtemps. Plus il est bas, plus l’espérance de vie chute. La santé, en Israël comme ailleurs, reste étroitement liée à la qualité de l’environnement, au niveau d’éducation et au revenu familial.
Le rapport explore également l’univers du logement, révélant une autre facette frappante des inégalités. Quatre villes se démarquent par un taux très élevé de logements loués : Mitzpe Ramon (57 % de locations), Harish (51 %), Tel-Aviv (48 %) et Givatayim (42 %). À l’opposé, à Umm al-Fahm et Nazareth, moins de 10 % des logements sont loués, signe de profils socio-économiques différents — mais également de faibles capacités de mobilité résidentielle.
Du côté de l’éducation, la divergence est tout aussi nette. Dans les deux déciles les plus élevés, 60 % des habitants sont titulaires d’un diplôme universitaire. Dans les localités les plus pauvres, ils ne sont que 12 %. L’une des communautés les plus éduquées du pays se trouve à Elkana, où 74 % des habitants possèdent un diplôme académique. Dans les grandes villes, Tel-Aviv se distingue avec 48 % de diplômés, suivie de Haïfa (35 %) et Jérusalem (18 %). Ces chiffres, très hétérogènes, influent directement sur les revenus, la santé et l’accès aux services essentiels.
Le rapport aborde également les taux de réussite au baccalauréat. Sans surprise, les villes les plus aisées dominent : Givatayim et Modi’in dépassent 90 % de réussite, suivies de Herzliya, Hod Hasharon et Raanana (environ 90 %). À l’inverse, les villes à majorité haredi – Modi’in Illit, Bnei Brak, Beitar Illit et Beit Shemesh – enregistrent des taux inférieurs à 10 %, reflet d’un système éducatif souvent déconnecté du cursus officiel.
Pour les autorités locales, ce rapport met en lumière trois urgences : réduire les écarts éducatifs, améliorer l’accès aux soins dans les villes périphériques, et lutter contre les inégalités structurelles qui fragilisent les populations les plus pauvres. Pour Israël, dont la population vieillit rapidement, ces données sont un miroir sans concession.
Ce qui ressort avec le plus de force du rapport du CBS, c’est que la santé n’est pas simplement affaire de biologie, mais de contexte : infrastructures, niveau de vie, distance aux hôpitaux, qualité de l’éducation, exposition à la pollution. Vivre à cinq kilomètres de plus d’un centre médical peut, littéralement, faire perdre des années de vie.
L’espérance de vie en Israël reste élevée par rapport à la moyenne mondiale, mais les écarts internes montrent une réalité complexe : un pays innovant, performant et moderne, mais aussi profondément inégalitaire. Et tant que la carte socio-économique du pays continuera de se superposer à celle de la santé, ces écarts resteront visibles — et lourds de conséquences.






