La polémique a pris fin, mais non sans laisser de traces. Après avoir exprimé, il y a quelques semaines, une sympathie pour le concept de « l’intégralité de la Terre d’Israël » — incluant non seulement la Judée-Samarie mais aussi des portions de territoires en Jordanie, au Liban, en Égypte et en Syrie — Benyamin Netanyahou a finalement publié une déclaration en anglais affirmant qu’Israël n’avait aucune revendication territoriale sur ses voisins arabes.
Cette clarification, diffusée hier par le bureau du Premier ministre, a été immédiatement saluée par Amman et par Le Caire, qui y voient une « réussite diplomatique ». Selon la radio publique israélienne Kan, la Jordanie et l’Égypte avaient exercé une pression intense ces dernières semaines pour obtenir une telle mise au point, jugeant les propos initiaux du chef du gouvernement israélien « dangereux pour la stabilité régionale ».
De la provocation verbale à la marche arrière
L’incident remonte à une interview accordée par Netanyahou à la chaîne i24NEWS. Le Premier ministre y avait exprimé une forme de sympathie pour la vision dite de « l’Eretz Israël haShlema » (la Terre d’Israël intégrale), un concept historique et idéologique qui dépasse les frontières actuelles de l’État juif. Ses paroles avaient aussitôt déclenché de vives réactions : le ministère des Affaires étrangères jordanien avait dénoncé une « menace contre la souveraineté », tandis que le Qatar s’était joint aux protestations.
Au Caire, le chef de la diplomatie, Badr Abdelatty, avait averti que l’Égypte « ne permettrait pas la mise en œuvre d’un projet expansionniste », assimilant les déclarations de Netanyahou à une remise en cause des accords de paix de Camp David.
Pressions discrètes mais fermes
D’après des sources diplomatiques citées par Kan, les capitales jordanienne et égyptienne ont multiplié les démarches auprès du bureau du Premier ministre pour exiger une clarification. « La sensibilité était extrême », explique un diplomate, « car dans le contexte actuel — guerre à Gaza, tensions à la frontière — de tels propos menaçaient de détériorer encore davantage des relations déjà fragiles. »
Netanyahou a donc choisi de publier un texte en anglais, langage de la diplomatie internationale, assurant qu’Israël n’envisage pas de revendications territoriales envers ses voisins.
Réactions officielles et lecture politique
Pour la Jordanie et l’Égypte, cette rétractation vaut victoire : « une réussite diplomatique » qui permet d’éviter un nouveau point d’embrasement avec Israël. Mais derrière ce succès de façade, la méfiance demeure. Les deux pays continuent d’accuser Israël de déstabiliser la région par sa conduite militaire à Gaza et sa politique en Judée-Samarie.
En Israël même, cette marche arrière est interprétée par certains comme une concession tactique destinée à préserver la coopération sécuritaire indispensable avec Amman et Le Caire — deux partenaires clefs dans la lutte contre le Hamas et le contrôle des frontières.
Analyse : la ligne de crête de Netanyahou
Cette séquence illustre l’équilibrisme permanent de Netanyahou : tenir un discours idéologique qui flatte une partie de sa base électorale, tout en évitant de compromettre les alliances stratégiques avec les voisins arabes. L’épisode révèle aussi la fragilité des relations israélo-jordaniennes et israélo-égyptiennes, qui oscillent entre coopération pragmatique et crises de confiance récurrentes.
Conclusion
La « clarification » de Netanyahou a permis de calmer, pour l’instant, une tempête diplomatique qui aurait pu mettre en péril deux des seuls traités de paix conclus par Israël avec ses voisins arabes. Mais au-delà des mots, la réalité reste inchangée : les tensions liées à la guerre de Gaza, aux colons et au statut de Jérusalem continuent de peser lourdement sur la stabilité régionale. Pour Israël comme pour ses partenaires, chaque mot prononcé au sommet a désormais un poids géopolitique.
.