Sous la chaleur étouffante de Rafah, des excavatrices venues d’Égypte avancent lentement dans les ruines. Leur mission : aider Israël à retrouver les corps des otages assassinés par le Hamas. Pour la première fois depuis le début du conflit, le Croissant-Rouge égyptien et Tsahal mènent une opération humanitaire conjointe dans la « zone jaune », cette bande de territoire du sud de Gaza passée sous contrôle israélien.
Selon Kan News et Reuters, les autorités israéliennes estiment qu’une dizaine de dépouilles pourraient se trouver dans ces zones, notamment autour de Khan Younès. Des indices recueillis par les unités du renseignement militaire et le Shin Bet ont permis de délimiter plusieurs périmètres de recherche. Ces derniers sont considérés comme hautement dangereux : les tunnels du Hamas y restent partiellement actifs et les décombres, piégés d’explosifs.
Une coopération sous contrôle
C’est l’Égypte qui a donné le feu vert à l’entrée du matériel lourd samedi soir. Les équipes du Croissant-Rouge ont franchi le poste de Rafah sous escorte israélienne. À Jérusalem, les autorités soulignent le caractère « strictement humanitaire » de cette coordination.
« Nous agissons pour ramener nos morts, pas pour négocier », a déclaré un porte-parole de Tsahal à Ynet. Le ministre de la Défense, Israël Katz, a salué « un effort commun d’une rare dignité entre deux nations qui comprennent la valeur sacrée des disparus ».
Cette coopération pragmatique contraste avec les tensions diplomatiques de ces derniers mois entre Jérusalem et Le Caire. Depuis le déclenchement de l’opération Merkavot Gidon II à Gaza, l’armée israélienne a consolidé sa présence au sud de la bande, tout en maintenant un dialogue constant avec les autorités égyptiennes pour éviter tout incident frontalier.
Le devoir de ramener les leurs
Dans la société israélienne, le sort des otages — vivants ou morts — reste une plaie ouverte. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou l’a rappelé : « Tant qu’un seul Israélien restera à Gaza, vivant ou tombé, notre devoir est de le ramener. »
Cette promesse, érigée en principe moral, explique en partie la nature minutieuse et lente des fouilles. Chaque mètre carré est inspecté, chaque fragment d’os analysé. Les équipes du ZAKA, organisation spécialisée dans la récupération des corps après attentats, travaillent aux côtés du génie militaire.
Un officier israélien a confié à Infos-Israel.News : « Les terroristes ont voulu faire disparaître leurs crimes sous les décombres. Nous creusons pour restaurer leur humanité. »
Le Croissant-Rouge en première ligne
Le Croissant-Rouge égyptien, présent à Rafah depuis plusieurs mois, joue un rôle central dans la logistique. Ses équipes servent d’intermédiaires pour acheminer les équipements et permettre un minimum de coordination avec les autorités locales gazaouies.
Selon Al-Arabiya, plusieurs experts égyptiens du génie civil participent directement à la supervision des opérations, notamment pour stabiliser les structures effondrées avant l’intervention des équipes israéliennes.
Les observateurs du Comité international de la Croix-Rouge ont également été autorisés à pénétrer dans certaines zones, une première depuis la fin des hostilités principales. Ils doivent confirmer l’identité des dépouilles avant leur transfert vers Israël.
Les familles entre attente et espoir
À Tel-Aviv et Jérusalem, les familles des otages disparus vivent dans une tension insoutenable. Certains espèrent encore retrouver un proche vivant. D’autres réclament au moins un corps à enterrer. « Ramener nos morts, c’est déjà sauver notre peuple de l’oubli », confie Miriam Moyal, mère d’un soldat porté disparu depuis décembre.
Les cérémonies militaires organisées à chaque restitution de dépouille sont devenues des moments de communion nationale. Elles rappellent que cette guerre n’est pas seulement celle du feu, mais aussi celle de la mémoire.
Une trêve fragile
Officiellement, ces opérations de recherche bénéficient d’une trêve tactique non déclarée, validée par les États-Unis et l’Égypte. Le CENTCOM américain supervise de loin le processus, veillant à ce que le Hamas n’en profite pas pour se réarmer.
Mais la situation reste volatile : des drones israéliens continuent de survoler la zone pour prévenir toute attaque. Le Hamas, affaibli, tente de réaffirmer sa présence médiatique en accusant Israël de « profaner les terres palestiniennes ».
Ces accusations, relayées par la chaîne Al-Jazeera, ont été jugées « indécentes » par le ministère israélien des Affaires étrangères. « Ceux qui ont assassiné des civils et caché leurs corps n’ont aucune leçon d’humanité à donner », a répondu le porte-parole Lior Haiat.
Le prix de la dignité
Ce chantier macabre, mené dans le silence, incarne la résilience d’une nation qui refuse d’abandonner ses enfants, même dans la mort.
Pour Israël, ces fouilles ne sont pas une simple formalité humanitaire : elles sont une réponse morale à la barbarie du 7 octobre. Là où le Hamas a creusé des tunnels pour détruire, Israël creuse aujourd’hui pour restaurer.
Cette scène — des bulldozers égyptiens creusant la terre pour restituer des Israéliens — restera peut-être comme le symbole paradoxal d’une paix encore lointaine, mais d’une humanité qui, elle, refuse de disparaître.
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