Une analyse de photos satellite publiée par BBC Verify et reprise par plusieurs médias révèle que plus de 1 500 bâtiments auraient été détruits dans des zones de la bande de Gaza restées sous contrôle israélien depuis l’entrée en vigueur de la trêve le 10 octobre. Israël reconnaît des démolitions, les justifie comme opérations de neutralisation d’infrastructures terroristes et invoque les termes du cessez-le-feu. Les ONG et certains experts juridiques s’interrogent quant à la portée et à la légalité d’un tel nivellement urbain, alors que la population civile paie un nouveau tribut. (Arab News)
Les faits — ce que montrent les images
BBC Verify, qui a appliqué un algorithme de détection de changements sur des images radar puis procédé à un comptage manuel, a identifié plus de 1 500 structures détruites depuis le cessez-le-feu, dans des secteurs à l’est de Rafah, à Khan Younès et dans des secteurs de la ville d’ Gaza contrôlés par l’armée israélienne (derrière la « ligne jaune » décrite dans l’accord). Les clichés comparatifs montrent des quartiers qui semblaient intacts au début d’octobre et figurent aujourd’hui comme des zones plates, sans bâtiments ni jardins. BBC elle-même note que le total pourrait être plus élevé, en raison de la couverture satellite incomplète de certaines zones. (Arab News)
Le rapport est corroboré par d’autres évaluations satellitaires internationales et par des agences de presse qui ont géolocalisé des vidéos et images de pelles et d’explosions dans des zones précises, laissant penser à des démolitions contrôlées plutôt qu’à des dégâts résultant d’un combat direct. (saudigazette)
Réponses officielles — la ligne israélienne
Israël n’a pas nié les démolitions mais les a cadrées : selon l’armée, il s’agit d’opérations ciblées de neutralisation de « tunneleries » et d’infrastructures terroristes, prévues par le texte du cessez-le-feu qui oblige à la démilitarisation de la bande (point 13 du plan Trump cité par les parties). L’argument officiel est simple : l’État opère dans des zones qu’il contrôle et détruit des moyens de combat — et non des opérations visant des civils dans des secteurs sous contrôle ennemi. « Nous agissons en réponse à des menaces, violations et infrastructures terroristes », a résumé un porte-parole militaire. (ynetglobal)
Sur le terrain, l’objectif affiché est la mise hors d’état de nuire des réseaux souterrains et la prévention d’un redéploiement rapide du terrorisme dans des zones densément peuplées. Les forces israéliennes indiquent poursuivre la destruction des tunnels et caches d’armement dans le périmètre dont elles assurent le contrôle, avant de procéder à un retrait vers le nouveau périmètre convenu. (ynetglobal)
Réactions internationales et juridiques — alarmes et demandes d’enquête
Des ONG, des experts en droit humanitaire et des observateurs internationaux ont exprimé leur inquiétude. Certains juristes interrogés par la presse estiment que la destruction systématique de biens civils hors d’un cadre de nécessité militaire immédiate pourrait soulever des questions au regard du droit humanitaire et, selon le cas, constituer des violations. D’autres soulignent toutefois la complexité juridique : si une zone est effectivement sous contrôle israélien et abrite des infrastructures militaires ou terroristes, la détection et la neutralisation des menaces s’inscrivent dans un cadre différent. (The Siasat Daily)
Au plan diplomatique, le manque de transparence sur l’évaluation indépendante des opérations inquiète : le plan de cessez-le-feu prévoit la présence de « surveillants indépendants » pour la démilitarisation — un point désormais au centre des débats sur la conformité des actions israéliennes avec les engagements pris. Plusieurs capitales et organisations internationales appellent à des inspections impartiales et à l’admission sans entrave d’aides humanitaires dans les zones affectées. (Arab News)
Témoignages — la voix des habitants
Des riverains déplacés décrivent une réalité humaine brutale : « C’était notre jardin, nos arbres, notre maison — un petit paradis », témoigne une habitante d’Abasan al-Kabira déplacée vers al-Mawasi. Les pertes en logements, en biens cultivés et en repères sociaux aggravent la crise humanitaire déjà extrême dans la bande de Gaza, où, selon des évaluations onusiennes antérieures, une part massive du parc immobilier est endommagée ou détruite après plus de deux années de conflit. (saudigazette)
Analyse — enjeux militaires, politiques et humanitaires
La tension entre impératifs militaires et protection des civils se joue aujourd’hui sur plusieurs registres. Sur le plan strictement opérationnel, Israël met en avant la nécessité stratégique d’empêcher la reconstitution de capacités offensives souterraines — une menace qui, à ses yeux, justifie des opérations localisées même après la signature d’un cessez-le-feu. Sur le plan politique, en revanche, l’intensification de destructions visibles fragilise la crédibilité du cadre négocié et alimente une critique internationale potentiellement dommageable pour le parrainage américain et la coalition régionale qui soutiennent la feuille de route. Enfin, sur le plan humanitaire, la reconstruction et la relocalisation massives de populations déplacées constituent un défi titanesque, susceptible d’entraver toute phase de stabilisation. (ynetglobal)
Ce qu’il faut surveiller — points de bascule
Trois éléments peuvent changer la donne dans les jours et semaines à venir : (1) la publication ou non d’un rapport indépendant de vérification sur la nature et l’étendue des démolitions ; (2) la capacité des acteurs humanitaires à accéder rapidement aux populations affectées via les points de passage (le passage de Zikim pour l’aide au nord de la bande vient d’être annoncé) ; (3) l’attitude des parrains internationaux du cessez-le-feu (États-Unis, Égypte, Qatar, Turquie) sur la suite du processus de démilitarisation et sur les garanties de non-reconstruction. (ynetglobal)
Conclusion — entre sécurité et responsabilité
Les images satellite dévoilées par BBC Verify posent une question embarrassante : comment concilier l’impératif de sécurité d’un État confronté à des réseaux terroristes et l’obligation de protection des populations civiles et de leurs biens ? La réponse ne se résume pas à un choix binaire. Elle exige transparence, supervision internationale effective et un effort soutenu de reconstruction et d’assistance. Sans ces éléments, la démilitarisation annoncée risque de se transformer en un nouveau cycle de fragilisation, au détriment des civils et de la stabilité régionale. (Arab News)






