Avec 646 actes recensés au premier semestre 2025, la France reste confrontée à une résurgence inquiétante de l’antisémitisme. Le chiffre, communiqué par le ministère de l’Intérieur, représente certes une baisse de 27,5 % par rapport à 2024, mais traduit une augmentation de plus de 110 % par rapport à 2023, avant l’embrasement consécutif aux attaques du Hamas du 7 octobre et à la guerre à Gaza.
Dans la plus grande communauté juive d’Europe, forte de près d’un demi-million de personnes, le climat est décrit comme « tendu », oscillant entre peur et volonté de résilience. À Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis, un fidèle portant la kippa a été agressé en août à proximité d’une synagogue. « Il a été très réactif », témoigne Jean-Marc Elbézé, président de la communauté locale, en évoquant le maire qui a aussitôt mobilisé la police municipale pour sécuriser les offices. Mais il déplore que le parquet n’ait pas retenu le caractère antisémite de l’attaque.
Un paradoxe français
Beaucoup de responsables communautaires soulignent les efforts de l’État, mais jugent ces mesures insuffisantes. « On met des actions en place qu’on n’aurait pas dû prendre », confie Elbézé en mentionnant l’installation imminente d’un sas de sécurité à l’entrée de la synagogue rénovée en 2023. « Aujourd’hui, c’est dommage de dire aux enfants d’enlever leur kippa dans la rue. Ce n’est pas normal. »
Le grand rabbin de France Haïm Korsia a rappelé sur BFMTV que « la détermination du gouvernement, du président de la République, celui-ci comme ses prédécesseurs, a toujours été absolue ». Mais il reconnaît que le problème se situe dans l’absence de sanctions et dans l’éducation. Michel Serfaty, rabbin de Ris-Orangis, appelle Emmanuel Macron à faire de la lutte contre l’antisémitisme une « cause nationale », avec des programmes renforcés dans les écoles et les quartiers.
Des tensions politiques et internationales
Cette montée des actes survient alors que Paris est engagé dans un bras de fer diplomatique avec Jérusalem. Benyamin Netanyahou a accusé Emmanuel Macron de « nourrir la haine antisémite » en annonçant la reconnaissance d’un État palestinien. Dans une lettre publiée par Le Monde, le président français a rétorqué que « le combat contre l’antisémitisme ne peut servir d’arme politique » et a mis en garde contre toute instrumentalisation.
De son côté, l’ambassadeur américain Charles Kushner a également pointé « l’absence d’action suffisante » de Paris, suscitant l’ire des autorités françaises. La communauté juive française, elle, se trouve prise en étau : inquiète face à la hausse des agressions, mais prudente dans ses critiques à l’égard d’un gouvernement dont elle reconnaît les efforts en matière de protection.
Une rentrée sous tension
À l’approche de la rentrée scolaire, les inquiétudes se renforcent. Richard Zelmati, président du Crif en Auvergne-Rhône-Alpes, estime que « l’Éducation nationale n’est pas à la hauteur ». Selon lui, « le conflit Israël-Hamas a lieu à 4 000 km d’ici, mais il a été importé. À cause de cela, les Juifs souffrent et je m’attends à des débordements plus marqués avec l’aggravation de la crise économique ».
Le paradoxe français est là : une protection policière renforcée autour des synagogues et des écoles juives, une solidarité affichée par les élus locaux, mais une insécurité ressentie qui perdure. Entre sentiment d’abandon et reconnaissance des efforts étatiques, la communauté juive vit au quotidien la contradiction d’un pays qui se veut garant de la liberté religieuse mais où l’antisémitisme s’exprime encore trop souvent dans la rue.
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