Danny Dayan, président de l’institution Yad Vashem, partage ses réflexions à l’occasion de la Journée internationale du souvenir de l’Holocauste. Dans une interview accordée à Makor Rishon, il aborde le renouveau de l’antisémitisme après les attaques du 7 octobre, critique les rapprochements entre des responsables israéliens et des leaders d’extrême droite à l’étranger, et parle des défis à venir alors que le nombre de survivants de l’Holocauste diminue rapidement.
Une critique des comparaisons entre le 7 octobre et la Shoah
Dayan rappelle que, bien que les événements du 7 octobre aient ravivé des souvenirs historiques douloureux, ils ne doivent pas être assimilés à la Shoah. « Quand j’ai entendu parler de mères qui faisaient taire leurs enfants pour ne pas être repérées, cela m’a instinctivement rappelé des récits de Pologne ou d’Ukraine d’il y a 80 ans. Mais comparer ces deux événements est problématique », affirme-t-il.
Il explique que la différence fondamentale réside dans la capacité d’action. « Pendant la Shoah, nous étions totalement démunis, implorant Roosevelt ou Churchill de bombarder les rails menant à Auschwitz. En octobre 2023, nous avons pris les choses en main, sans demander la permission à personne. Ce sont deux réalités complètement différentes. »
L’importance d’une réponse appropriée
Dayan critique notamment l’usage symbolique d’un étoile jaune par l’ambassadeur Gilad Erdan lors d’une réunion de l’ONU après le 7 octobre. « L’étoile jaune représente l’impuissance ultime des Juifs. À l’ONU, nous devrions montrer l’exact opposé : la force et l’indépendance israéliennes. » Selon lui, il aurait préféré arborer un symbole plus puissant, comme une « gants de boxe », pour exprimer la résilience d’Israël.
Lutte contre l’antisémitisme : un défi global
Dayan souligne que l’antisémitisme a pris de nouvelles formes, particulièrement en Occident après les événements d’octobre. « L’éducation à la mémoire de la Shoah est cruciale dans cette lutte, mais ce n’est pas suffisant à elle seule », insiste-t-il. Il critique également l’académisation de l’antisémitisme, en particulier dans les universités occidentales, où des appels à la destruction de l’État d’Israël sont parfois tolérés sous le couvert de la liberté d’expression.
Il raconte une rencontre avec des responsables universitaires aux États-Unis : « Je leur ai demandé : si un professeur écrivait un livre prônant l’exclusion des communautés LGBTQ+, vous le licencieriez immédiatement. Mais s’il prône la fin de l’État juif, il est promu. Cela montre un double standard inquiétant. »
L’après des survivants : préserver la mémoire
Avec un nombre de survivants de l’Holocauste qui diminue chaque année, Dayan insiste sur l’urgence de trouver des moyens pour perpétuer leur mémoire. Yad Vashem développe actuellement des projets comme des spectacles immersifs et des récits interactifs sur des objets historiques, pour transmettre l’histoire de manière vivante aux générations futures.
« Nous sommes face à une réalité inévitable : un monde sans survivants. Il n’existe pas de substitut à l’expérience d’entendre directement un témoignage. Mais nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver leurs récits et leur impact. »
Critiques des relations avec des partis d’extrême droite
Dayan exprime des réserves sur les rapprochements entre certains responsables israéliens et des partis d’extrême droite européens. « L’idée qu’un parti hostile aux musulmans est forcément un allié des Juifs est une illusion dangereuse. Nous devons être prudents avec ces alliances », prévient-il.
Antisémitisme : une continuité historique
Pour conclure, Dayan rappelle que l’antisémitisme, bien qu’il change de forme, est une constante historique. « Il peut se manifester sous des aspects religieux, raciaux ou politiques, mais il suit toujours une même trajectoire. Cela dépasse souvent le cadre de la rationalité. »
En tant que président de Yad Vashem, Danny Dayan s’engage à faire de la mémoire de l’Holocauste un levier pour combattre l’antisémitisme, tout en préservant l’histoire pour qu’elle continue à résonner dans un monde qui évolue.