Israël : reconnaissance officielle du Forum Takana, une victoire morale contre les abus dans le monde religieux

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C’est un tournant discret mais historique : après plus de vingt ans d’existence, le Forum Takana, organisme indépendant chargé de traiter les plaintes pour abus sexuels commis par des figures d’autorité dans le public religieux, a obtenu sa reconnaissance officielle par le ministère du Bien-être et des Affaires sociales. Un acte administratif, certes, mais porteur d’une portée symbolique majeure dans une société où le silence autour des violences sexuelles religieuses fut longtemps la norme.

Créé au début des années 2000 par un groupe de rabbins, d’enseignants, de psychologues et de juristes issus du courant sioniste religieux, le Forum Takana (mot hébreu signifiant “réparation”) avait pour objectif de répondre à un vide moral : comment dénoncer et sanctionner des abus commis par des éducateurs, rabbins ou dirigeants communautaires, lorsque les victimes, souvent mineures ou dépendantes spirituellement, craignaient la honte, l’exclusion ou l’incrédulité ?

Désormais reconnu comme centre officiel d’aide et de conseil, le forum bénéficie d’un soutien institutionnel qui lui permettra d’étendre ses activités et de renforcer la coordination avec la police et la justice. “Cette reconnaissance n’est pas qu’un tampon administratif, c’est une affirmation de valeurs”, a déclaré Me Lili Getz-Horowitz, directrice du Forum. “Nous disons haut et fort que la sainteté n’est pas une immunité, et que la foi ne saurait être un prétexte à l’impunité.”

Le Forum Takana s’est souvent trouvé à contre-courant d’une culture du silence bien enracinée. Ses interventions, parfois polémiques, ont abouti à la mise à l’écart de plusieurs enseignants et responsables religieux accusés d’abus sexuels sur des mineurs ou des élèves adultes. Le modèle du Forum est unique : il offre à la fois une écoute confidentielle pour les victimes et une procédure d’interpellation des auteurs présumés, pouvant aller jusqu’à des sanctions internes (suspension, retrait de fonctions, suivi thérapeutique).

Ce fonctionnement, longtemps perçu comme “interne” au monde religieux, a suscité des critiques de juristes laïcs, inquiets d’un risque d’“autarcie judiciaire”. Mais le Forum Takana a progressivement évolué vers une collaboration directe avec le système judiciaire israélien. Aujourd’hui, toute affaire grave est signalée au parquet, tout en maintenant un accompagnement des victimes sur le plan spirituel et psychologique.

Pour le ministère du Bien-être, cette reconnaissance traduit “une convergence entre justice civile et éthique religieuse”. Dans son communiqué, le ministre a salué “le courage de ceux qui ont choisi la transparence dans un milieu où la réputation a souvent primé sur la vérité”.

Dans le monde religieux, la décision est perçue comme un “changement d’époque”. Le rabbin Yuval Cherlow, cofondateur du Forum, parle d’“un jour de purification morale”. “Pendant trop longtemps, nous avons cru que laver le linge sale en famille suffisait. Mais la dissimulation est un poison. La véritable réparation passe par la vérité.”

Les victimes, elles, se disent soulagées. Une jeune femme, ancienne élève d’une école religieuse, confie sous anonymat : “Quand j’ai contacté le Forum Takana il y a cinq ans, j’étais terrifiée. Ils m’ont écoutée, ils m’ont crue. Sans eux, je n’aurais jamais eu la force de parler.”

Le mouvement féministe religieux salue aussi cette reconnaissance. L’organisation Bat Melech, qui accompagne les femmes victimes de violences conjugales, parle d’“une avancée essentielle pour la dignité des victimes dans la société orthodoxe”.

Les opposants au Forum, principalement dans les milieux ultra-orthodoxes non sionistes, dénoncent quant à eux “une ingérence de l’État dans les affaires du clergé”. Mais l’opinion publique israélienne, marquée par les scandales récents ayant impliqué des figures charismatiques de la religion, perçoit la décision comme un signal salutaire : désormais, nul n’est au-dessus de la loi.

En recevant l’accréditation officielle, Me Lili Getz-Horowitz a prononcé une phrase qui résume l’esprit du Forum : “Notre mission n’est pas de punir, mais d’empêcher. Nous voulons que chaque victime sache qu’elle n’est plus seule, et que chaque auteur potentiel sache qu’il sera vu.”

Le Forum Takana, longtemps marginal, devient ainsi un acteur central dans la lutte contre les violences sexuelles dans le secteur religieux — une alliance rare entre la Thora et la justice civile, entre l’écoute et la vérité. Dans un pays où la foi est souvent perçue comme un bouclier, cette reconnaissance sonne comme un rappel : la lumière divine ne tolère pas l’ombre du silence.

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