« Il n’existe pas de terroriste juif », a déclaré la députée Limor Son Har-Melekh, initiatrice du projet de loi sur la peine capitale pour les auteurs d’attentats.
Cette phrase, prononcée dans un climat politique déjà explosif, a immédiatement déclenché une avalanche de réactions. Entre accusations de racisme et appels à la fermeté absolue, Israël rouvre un débat aussi ancien que douloureux : faut-il exécuter les terroristes ?
Une proposition de loi qui divise
La députée du parti Otzma Yehudit, Limor Son Har-Melekh, soutenue par le Premier ministre Benjamin Netanyahou, a déposé un projet de loi prévoyant la peine de mort pour tout auteur d’attentat meurtrier contre des citoyens israéliens.
Le texte, adopté en première lecture à la Knesset, vise selon elle à “restaurer la dissuasion face à des ennemis qui n’ont plus peur de mourir mais qui doivent craindre la justice d’Israël”.
Interrogée sur Ynet quant à l’application du texte à des terroristes juifs, la députée a répondu sans détour :
« Le texte s’applique à quiconque s’en prend à l’État d’Israël. Mais soyons honnêtes : il n’existe pas de terroriste juif. »
Une déclaration qui fait écho à ses propos passés, lorsqu’elle avait qualifié le meurtrier d’une famille palestinienne à Douma, Amiram Ben Ouliel, de “tsadik kadosh”, un “juste saint”.
Les adversaires de la députée dénoncent aujourd’hui une “dérive théologique” menaçant les fondements démocratiques du pays.
La droite parle de justice, la gauche crie au scandale
Pour ses partisans, cette loi représente une réponse logique après les attaques du 7 octobre : “Un terroriste mort ne tue plus”, répète-t-on dans les rangs de la coalition.
À leurs yeux, la clémence judiciaire a nourri l’audace meurtrière du Hamas et du Jihad islamique. “L’époque des deals de prisonniers doit cesser”, martèle un ministre proche d’Itamar Ben-Gvir.
À gauche, la réaction est immédiate et virulente. L’organisation Tag Meir rappelle qu’“il y a trente ans jour pour jour, un Premier ministre israélien a été assassiné par un Juif”.
“Entendre une élue prétendre qu’il n’existe pas de terroriste juif est une insulte à la mémoire d’Yitzhak Rabin et une menace pour notre démocratie”, dénonce le mouvement, qui qualifie la loi de “raciste et discriminatoire”.
Les juristes s’inquiètent de l’impact international
L’ancien chef adjoint du Conseil de sécurité nationale, Eran Ezion, a adressé une lettre à la conseillère juridique du gouvernement, lui demandant de clarifier que la loi devra s’appliquer à tous sans distinction.
“Limiter la peine de mort aux seuls Palestiniens violerait la Convention internationale des droits civils et politiques, que l’État d’Israël a ratifiée”, a-t-il écrit.
Pour de nombreux diplomates, cette législation, si elle était votée, placerait Israël “dans une position intenable face à ses alliés occidentaux”.
Mais dans la coalition, on assume.
“L’Europe n’a pas connu le 7 octobre. Nous, si. La morale internationale n’a pas empêché nos enfants d’être brûlés vifs”, lance un député du Likoud.
Le ton est donné : Israël ne s’excusera plus de défendre sa vie.
L’affaire Sdé Teïman en toile de fond
Cette sortie intervient en pleine tourmente autour de l’arrestation de la procureure militaire Yifat Tomer-Yerushalmi, soupçonnée d’avoir fait fuiter une vidéo montrant des violences commises contre un détenu palestinien.
Pour Son Har-Melekh, “la procureure a trahi Tsahal”.
“Elle voulait présenter nos soldats comme des violeurs, elle a menti à la commission parlementaire. Cette femme a voulu nuire à Israël de l’intérieur.”
Dans ce climat d’hystérie médiatique, la députée s’impose comme la voix la plus radicale d’une droite convaincue qu’Israël fait preuve d’une faiblesse morale face à ses ennemis.
Elle accuse également la hiérarchie judiciaire de “protéger les terroristes mieux que les soldats”.
Un pays entre vengeance et justice
La question de la peine de mort pour les terroristes revient cycliquement dans le débat israélien.
Déjà en 1962, lors de l’exécution d’Adolf Eichmann, l’État d’Israël avait choisi l’exception plutôt que la règle.
Depuis, aucun autre condamné n’a été exécuté. Mais le 7 octobre a ravivé un besoin de justice absolue, voire de revanche.
Pour beaucoup de familles endeuillées, voir les assassins emprisonnés puis échangés contre des otages est une humiliation insupportable.
“Si nous ne donnons pas à la mort la place qu’elle mérite dans la justice, c’est elle qui s’invitera dans nos rues”, résume un officier de réserve.
Une société qui se cherche encore
Au-delà du tumulte politique, la sortie de Son Har-Melekh révèle une fracture plus profonde : Israël hésite entre être un État de droit ou une nation en guerre permanente.
Peut-on juger un terroriste avec les mêmes règles qu’un citoyen ? Peut-on rester moral quand on affronte le mal absolu ?
Ces questions ne trouveront pas de réponse immédiate.
Mais une chose est sûre : depuis le 7 octobre, Israël n’est plus le même pays.
Les appels à la fermeté, même les plus radicaux, traduisent moins une soif de vengeance qu’une volonté de reprendre le contrôle de son destin.






