Dans un article du New York Times, Ashraf Zugheir, haut responsable du Hamas libéré en janvier dans le cadre d’un échange de prisonniers, a évoqué son incarcération en Israël ainsi que les événements du 7 octobre. Il a notamment révélé avoir poursuivi des études et obtenu un diplôme universitaire en prison, tout en suivant les directives de Yahya Sinwar, qui encourageait les détenus à apprendre l’hébreu afin de mieux comprendre « l’ennemi ».
Un prisonnier devenu cadre du Hamas
Zugheir, âgé de 46 ans et originaire du quartier de Kafr Aqab à Jérusalem-Est, a été arrêté après avoir transporté un kamikaze qui s’est fait exploser à bord d’un bus de la ligne 4 à Tel-Aviv en 2002, causant la mort de six civils et blessant des dizaines d’autres. Condamné à perpétuité, il est devenu un cadre influent du Hamas derrière les barreaux et a perfectionné son hébreu au contact de ses codétenus et de Sinwar, devenu par la suite chef du Hamas.
Dans l’interview, Zugheir explique qu’en prison, il a progressivement changé sa vision de la société israélienne, qu’il considérait auparavant comme « monolithique ». Selon lui, l’étude de l’hébreu et de l’histoire juive lui a permis de constater que les Israéliens ont des opinions divergentes sur la paix et le conflit israélo-palestinien.
Un 7 octobre vu depuis la prison
Le matin du 7 octobre, lorsqu’il a appris l’enlèvement d’Israéliens par le Hamas, il a immédiatement compris que sa libération n’était plus qu’une question de temps. Il raconte que, tout comme les gardiens de prison, lui et les autres détenus ont été surpris par l’ampleur de l’attaque. Ils ont d’abord suivi les événements à la télévision, notamment les images de combattants du Hamas circulant dans Sderot, avant que les autorités pénitentiaires ne coupent les écrans. Ils ont alors continué à écouter les informations à la radio, jusqu’à ce que cet accès leur soit également retiré.
Depuis l’attaque, affirme-t-il, les conditions de détention des prisonniers palestiniens se sont durcies.
Réactions et controverses après sa libération
Zugheir a été libéré dans le cadre d’un échange impliquant la libération de centaines de prisonniers palestiniens, dont de nombreux condamnés à perpétuité. Il a été accueilli en héros dans son quartier, ce qui a conduit les autorités israéliennes à engager des poursuites contre lui et deux membres de sa famille pour conduite dangereuse lors des célébrations de sa libération.
Son père, Monir, un acteur communautaire à Jérusalem-Est, a déclaré que l’incarcération de son fils était « un honneur », tout en exprimant l’espoir qu’une solution pacifique permette un jour aux Palestiniens et aux Israéliens de vivre ensemble avec des droits égaux.
Ces scènes de liesse ont ravivé la douleur des familles des victimes. Tova Siso, dont la mère a été tuée dans l’attentat de 2002, a confié : « Le voir célébrer ainsi rouvre une blessure profonde ». Ari Jesner, frère d’une des victimes, a pour sa part déclaré que la libération de Zugheir en échange de prisonniers israéliens lui avait donné l’impression « qu’un membre de sa propre famille rentrait chez lui ».
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