Coup de tonnerre à la Knesset. Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a annoncé jeudi que son parti, le Sionisme religieux, suspendrait immédiatement toute participation aux votes de la coalition tant que la loi d’avantages fiscaux pour les réservistes de Tsahal ne serait pas adoptée en deuxième et troisième lecture. Une décision à la fois politique et symbolique, qui vient rappeler que derrière les débats budgétaires, c’est la reconnaissance du sacrifice des soldats citoyens d’Israël qui se joue.
“Les réservistes passent avant tout”, a déclaré Smotrich dans un communiqué sec diffusé depuis son bureau à Jérusalem. “L’État d’Israël leur doit tout. Aucun calcul politique, aucun compromis parlementaire ne saurait justifier qu’on retarde encore une mesure aussi évidente.”
Le texte, approuvé en première lecture en août dernier, prévoit un système de points de crédit fiscal progressifs pour les soldats de réserve, en fonction du nombre de jours de service accomplis. Plus le service est long, plus la réduction d’impôt est importante. La réforme vise à reconnaître l’engagement croissant des réservistes, dont beaucoup ont été mobilisés pendant des mois depuis le 7 octobre, souvent au détriment de leur emploi ou de leur famille.
Mais la loi, pourtant soutenue par une large majorité de l’opinion, s’est enlisée dans les méandres de la commission des finances. Le Likoud, principal partenaire de la coalition, estime que le texte avantage de manière disproportionnée les Israéliens aux revenus élevés. “Cette proposition, en l’état, exclut une grande partie des étudiants, travailleurs indépendants et familles modestes”, a dénoncé le président de la coalition Ofir Katz. “Nous devons aider tous les réservistes, pas seulement ceux qui paient beaucoup d’impôts.”
Pour Smotrich, cet argument n’est qu’un prétexte. “Ceux qui se battent ne demandent pas la charité. Ils demandent un geste de justice”, a-t-il répliqué. “Si le gouvernement n’est pas capable de récompenser ceux qui défendent le pays, alors à quoi bon parler de solidarité nationale ?”
Cette crise interne intervient dans un contexte de tension politique accrue au sein de la majorité. Après la guerre, la société israélienne a été marquée par une solidarité exceptionnelle envers les soldats, mais aussi par un ressentiment profond envers les institutions perçues comme lentes à reconnaître leurs efforts. Des milliers de réservistes, rentrés épuisés du front de Gaza ou du Nord, témoignent de difficultés administratives, de salaires impayés et de promesses non tenues.
Dans les médias israéliens, plusieurs chroniqueurs voient dans le geste de Smotrich un acte calculé mais porteur d’un message fort : “Il veut incarner le ministre qui n’oublie pas les soldats, alors que les partis centristes s’enlisent dans les compromis”, analyse Maariv.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou, lui, tente d’éviter une fracture ouverte. S’il reconnaît “l’importance cruciale” de la loi, il redoute qu’un vote hâtif ne provoque un précédent budgétaire difficile à contenir. “Nous devons rester responsables et équilibrés”, a-t-il déclaré. “Mais je m’engage personnellement à ce que les réservistes reçoivent la reconnaissance qu’ils méritent.”
Dans les rangs de Tsahal, la déclaration du ministre des Finances a été accueillie avec émotion. Des officiers de réserve ont exprimé leur soutien à Smotrich, estimant que “pour une fois, un politicien a osé mettre ses actes en accord avec ses paroles”. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #TodaLaMiluim (“merci les réservistes”) est devenu viral, accompagné de témoignages poignants de soldats racontant leur retour au civil, souvent dans l’indifférence.
Mais cette escalade politique pourrait fragiliser la coalition. Les députés du Likoud dénoncent une “prise d’otage parlementaire”, tandis que les partis d’opposition observent la scène avec amusement. Yair Lapid, chef de Yesh Atid, a accusé le gouvernement d’“hypocrisie morale”. “Ils ont envoyé nos soldats au front, mais quand il s’agit de les soutenir, tout s’arrête sur des calculs politiques.”
En toile de fond, la question du statut du réserviste israélien dépasse le simple cadre fiscal. Elle touche à l’identité même du pays. Depuis un an, plus de 360 000 Israéliens ont été mobilisés, un chiffre sans précédent depuis 1973. Cette armée de citoyens, souvent composée de pères de famille, de médecins, d’ingénieurs ou d’étudiants, forme l’épine dorsale de la sécurité nationale.
“Sans eux, Israël n’existerait tout simplement pas”, rappelait récemment le ministre de la Défense Israël Katz, saluant “un effort héroïque, mené sans relâche ni plainte”. Katz a soutenu la position de Smotrich, appelant la coalition à “agir vite pour transformer la gratitude en actes concrets”.
Dans les rues, la population ne cache pas son exaspération. Devant la Knesset, des familles de réservistes ont organisé un petit rassemblement avec une pancarte simple : “Nos maris ont donné leur temps, donnez-leur au moins du respect.”
Cette bataille parlementaire, en apparence technique, révèle en réalité un clivage profond entre ceux qui portent le pays sur leurs épaules et ceux qui calculent en coulisses. Pour Smotrich, la ligne rouge est claire : tant que la reconnaissance des soldats restera bloquée, il n’y aura plus de discipline de vote.
Et dans une période où les défis sécuritaires demeurent considérables, son message résonne avec une intensité particulière : la loyauté envers les réservistes n’est pas une option politique — c’est le socle même de la nation.






