SI JE T’OUBLIE JERUSALEM… Par Rony Akrich

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« Si je t’oublie Jérusalem, que ma main droite m’oublie, que ma langue s’attache à mon palais, si je perds ton souvenir, si je ne mets Jérusalem au sommet de ma joie « .
Deux mille ans durant, cette prière a exprimé le rêve et la fidélité de chaque Juif, une aspiration, un sentiment, une foi profonde. Le peuple juif ressuscite, revient en Israël, la terre refleurit, l’état se reconstruit. Jérusalem n’est plus seulement un espoir mais une réalité.

L’idéal n’apparaît parfois au regard du commun que comme une utopie dont la réalisation semble impossible en regard des connaissances du moment. L’idéal est absolument nécessaire pour construire le bien concret, c’est une force qui pousse l’homme vers ce qui est beau. L’idéal est ce qui nous permet d’évoluer, d’avoir une certaine prise sur le futur, de ne pas subir, de refuser l’inacceptable. L’idéaliste est celui qui croit qu’il existe quelque chose à découvrir et à réaliser, même s’il ne peut pas le prouver momentanément, ce en quoi il s’oppose au réaliste qui campe sur sa certitude qu’il n’existe rien au delà de la réalité visible et identifiable.

Jérusalem ne fut jamais répartie entre les tribus, elle n’appartient à aucune communauté, à aucun parti, à aucune faction. Elle appartient au peuple juif dans sa totalité, tout juif est appelé à y participer; Jérusalem est le cœur spirituel qui nous réunit tous, le cœur de la nation! Elle est l’âme, le souffle de vie qui anime le peuple d’Israël. Face a elle, tous les séparations s’écroulent, ce qui nous divise s’estompe, ce qui nous unit se révèle. Le professeur Israël Eldad avait dit: « lors de la guerre d’indépendance, la conquête de Jérusalem avait échoué car alors, nous avions trois armées (le Etzel, le Lekhi et la Haganah) et chacune prétendait que Jérusalem serait sa victoire. Lors de la guerre des Six Jours « Tsahal », armée d’un peuple uni, a opéré une percée et restitué au peuple juif sa capitale historique, non la « ville des Lumières » mais la « Ville de la Lumière ».

Les masses juives répondent à l’appel du retour, exigent la terre d’Israël et rêvent de Jérusalem et de nulle autre. C’est à cette terre qu’ils sont attachés par le cœur malgré son infertilité, malgré son insalubrité, malgré toutes les difficultés politiques qui y règnent alors. Cette terre est sainte par nature, il suffit de la fouler pour posséder le monde futur disent certains.

Nous avons ici la joie d’avoir des juifs réunis en tant que juifs mais tous ne savent pas très bien pourquoi ils sont juifs, il en existe un nombre considérable. Ce sont pourtant de « bons juifs » avec une appartenance a un passé, qui, même oublié, survit dans une certaine subconscience. Avec une hérédité émotionnelle et même peut être une hérédité de pensée.

Lorsque nous sommes revenus à Jérusalem, nous y avons découvert une pierre sur laquelle était gravé le verset d’Isaïe: « Vous le verrez, et votre cœur sera joyeux, et vos membres, comme l’herbe nouvelle, en seront rajeunis ». A travers les générations, à deux mille ans de distance, le prophète nous lançait un appel à la foi et à la confiance.

La foi et ses traditions peuvent reprendre de l’importance, même si le mouvement national revêt un aspect anticlérical ou même antireligieux. Que cela plaise ou non à certains intellectuels, le peuple est profondément croyant et la foi profondément ancrée en lui. Il ne peut y avoir de mouvement national sans la religion. Il faut passer par le développement d’un passé mythique pour unir ce passé au présent et à la réalité. Le paradis perdu doit être retrouvé comme une « Jérusalem céleste ».

La responsabilité, c’est bien le souvenir aujourd’hui de ce que j’étais hier, la continuité, le mouvement assumé et qui, parce qu’il est assumé, est peut-être créateur. Et ce mouvement, c’est l’ascension virile de soi, d’un destin, l’ascension de l’histoire. Alors, j’ai l’impression qu’on ne peut pas définir le juif en dehors de ce mouvement essentiel que sont la continuité non seulement de l’individu mais de l’histoire, la découverte, en dernière analyse, de l’histoire comme créatrice « d’imprévisible nouveauté ».

De nos jours, le retour a commencé par l’installation en Erets Israël, puis à Jérusalem, dans ses alentours, puis dans son centre près de l’emplacement du Temple. Il faut être capable de discerner ce processus géant qui a été enclenché. Si l’Eternel résout les problèmes par des miracles, est-ce un signe qu’il ne peut les résoudre sans miracles, par des voies naturelles? Les miracles sont destinés aux individus de peu de foi, ceux qui ne croient pas sans miracles, ceux qui ont besoin d’être impressionnés par un phénomène surnaturel ».

La thora reste, indubitablement, le guide et la lumière des enfants d’Israël, pour devenir le guide et la lumière de tous les peuples. Elle s’affirme dans l’édification du Temple, dans le règne des Rois, elle se manifeste dans l’enseignement des prophètes. Ceux-ci révèlent le sens de la bénédiction de Dieu: elle est l’annonce du Temps où la paix et la connaissance de Dieu seront répandues sur la terre. Et c’est ce rêve universel joint à l’espoir de possession d’une terre particulière qui constitue la contradiction dialectique, l’armature de l’histoire d’Israël. C’est là le fait principal de l’Histoire Juive qui lie, à l’avènement final de Dieu, la possession de la terre par son Peuple.

Aujourd’hui certains s’engagent, d’autres non, d’autres encore ne voient pas, hésitent, attendent, pèsent, considèrent, envisagent. Mais nos yeux doivent se dessiller et voir tous les miracles du Retour à Sion, de l’Etat, de l’Armée, de la libération de Jérusalem. A présent aussi, devant la tentation de nous abandonner au découragement, voire même au désespoir, nous devons nous armer de la patience de l’histoire. On ne peut construire un Etat renaissant en un instant.

« Si je t’oublie Jérusalem … « . C’est très exactement maintenant le moment de se rappeler de ce puissant serment. Mais nous savions depuis toujours que l’on ne reçoit pas un Etat sur un plateau d’argent. Nous savions que la résurrection du Peuple juif est comparée à l’aube, lorsque la lumière et les ténèbres se combattent dans la confusion. L’amour et la conjugaison de la terre d’Israël et de Jérusalem seront mis à l’épreuve de l’espérance.

L’espoir d’un monde futur pacifié se trouve chez d’autres que chez les juifs. Pourquoi Israël semble-t-il fait de la substance même de ce rêve? L’espérance est nécessaire à tous les hommes, mais Israël qui ne se conservait pas pour des raisons matérielles ne se conservait que par la fidélité à cette espérance. La survie d’Israël ne peut s’expliquer par des raisons économiques, une conversion suffisait à certaines époques à terminer un destin juif.

Mais la fidélité les porte à travers l’histoire, en même temps qu’elle semble soutenue par l’histoire. Partout où il y avait un exil il y avait un refuge. C’est là un fait qui échappe aux explications ordinaires, c’est là la dimension providentielle de l’histoire juive, qui laisse toujours à Israël, et jusqu’à la période contemporaine, une petite place d’où il puisse continuer à vivre et a préparer son rêve messianique.

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