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Pour un observateur étranger, c’est à dire ne vivant pas en Israël et donc, percevant mal les subtilités existentielles de ce pays ô combien particulier, pour ne pas dire, iconoclaste, permettre à une partie de la population de ne pas accomplir ce que beaucoup dans toutes les nations du monde, appellent son devoir patriotique, est jugé injuste et donc déconcertant. D’autant plus qu’Israël, depuis sa création en 1948, est constamment visé, par ses voisins d’abord, puis par des pays plus lointains et enfin, par des hordes qui grossissent chaque jour plus, surtout en Occident bref, pour être concret et pragmatique, est voué pour tous, à disparaître et plus prosaïquement, à être purement et simplement exterminé ! Dès sa création, l’Etat a ainsi été contraint d’instaurer le service militaire obligatoire pour tous les hommes et femmes juifs. Or, après l’énormité de l’Holocauste, le judaïsme est fragillisé : 6 millions d’exterminés ont ruiné la foi, beaucoup reprochent amèrement à Dieu sa passivité, son indifférence et finissent par se dire, dans une logique qu’on peut qualifier alors d’instinctive, que les Juifs ne sont pas finalement le peuple élu et partant, que Dieu n’a plus sa raison d’être. Mais pour sa légitimation, j’allais dire géographique, Israël ne peut se passer du judaïsme, à savoir, de la spiritualité qui lui est propre. Israël sans le judaïsme, c’est une fleur dans le désert qu’on n’arrose pas et qui très vite, va s’assécher et donc mourir. Alors en 1949, l’Etat concède aux partis religieux ultra-orthodoxes, c’est à dire aux haredim, l’exemption de l’armée aux étudiants à temps plein des yeshivas : Torato Umanuto (la Torah est son métier). Il s’agit de revivifier le judaïsme, de renouer avec le bouillonnement du judaïsme dans les siècles passés.
Seulement voilà, cette exemption est devenue tout de suite un vrai problème dans la société israélienne. Beaucoup pensent en effet qu’il est tout à fait anormal que tous les jeunes hommes israéliens fassent l’armée, en termes concrets, aillent « se faire trouer la peau » pendant que les étudiants des yeshivas eux, sont bien à l’abri occupés à leurs études, en d’autres termes, sont bien « planqués ». Mais ce qui les mettent encore plus en colère c’est que certains d’entre les haredim, à savoir les antisionistes stricts, ne reconnaissent pas du tout l’Etat d’Israël tant que la venue du Messie ne s’est pas produite. C’est pourquoi ils refusent donc de servir l’armée, ne reconnaissent pas le gouvernement et les institutions publiques. Par contre, ils sont bien contents de vivre en Israël -ce qui est contradictoire-, de recevoir des subventions pour leurs yeshivas, des aides au logement et des allocations sociales. Bref, pour la majorité des Israéliens, ils vivent en parasites. Et ce qui déplaît également aux Israéliens lambdas, c’est que les haredim vivent dans des zones quasi fermées car ils n’aiment pas qu’on les traverse et encore moins les fréquentent, et avec des coutumes très strictes. Ces mêmes Israéliens lambdas reprochent aux Haredim le statut que ceux-ci réservent aux femmes. Ils les voient comme des gens vivant en marge, qui logiquement ne se mélangent pas et qui plus est, regardent souvent les autres avec une vraie condescendance. Bref, ils sont en fait un Etat dans l’Etat. Certains disent enfin que depuis que les Haredim étudient la Torah, c’est à dire depuis le XVIIIème siècle, même s’il y a toujours eu des yeshivas, ces mêmes Haredim ont dû depuis en extraire toutes les subtilités et qu’ainsi finalement, aujourd’hui, ils chercheraient un peu midi à quatorze heures ! Ce qui ferait d’eux des gens inutiles à la collectivité.
Il a résulté de ce véritable choc intra-israélien, une évolution chaotique de l’exemption avec plusieurs phases. De 1950 à 1970, toutes les tentatives de réforme pour recruter certains Haredim, ont échoué. De 1980 à 1990, l’Etat met en place des « frameworks » c’est à dire des cadres institutionnels et politiques qui gèrent les relations particulières avec les Haredim : ainsi, quelques milliers d’entre eux peuvent servir dans des unités spéciales ou civiles mais la mesure reste marginale. En 2002, la Knesset vote une loi pour évidemment rendre la conscription obligatoire pour les Haredim de 18 ans qu’elle assortit de sanctions en cas de refus. Celui-ci est pourtant toujours massif. En 2014, un accord politique prévoit un quota progressif mais là encore le refus est massif. De 2021 à 2025, on assiste à une pression de la Cour suprème qui décide en 2024 que l’exemption générale est illégale et qui oblige l’Etat à définir des quotas et des sanctions claires. Le Haredi doit avoir passé deux ans dans une yeshiva entre 14 ans et 18 ans. On en est là aujourd’hui : à la Knesset, les débats sont houleux sur le sujet, le refus demeure et seuls entre 5% et 10% de Haredim convoqués répondent à l’appel.
Naturellement, et à l’observation, on a vraiment l’impression que les Haredim sont des privilégiés, que leur argument consistant donc à étudier la Torah pour conforter le judaïsme n’est qu’un passe-droit relativement hypocrite vu le comportement par ailleurs souvent arrogant qu’ils manifestent vis à vis de la population israélienne en général et enfin qu’ils forment ainsi une sorte de noblesse au sens français du terme avec ce que cela sous-entend de dégoût et de rejet. Tout cela est vrai ! Ceci étant, face à l’effritement du judaïsme et à la laïcisation importante du peuple d’Israël, on doit reconnaître objectivement que la présence des Haredim par leur développement humain dû à la fécondité de leurs épouses, constitue un vrai rempart, un moyen incontestable de préservation du pays. Peut-être, les Haredim devraient-ils être moins cassants, plus tolérants, moins sectaires, moins renfermés, plus ouverts à leurs coreligionnaires, plus souriants finalement. Enfin, il n’est sans doute pas exacte d’affirmer péremptoirement que l’étude de la Torah n’a plus de raison d’être parce qu’avec le temps, elle a désormais révélé tous ses artifices, qu’elle a été déchiffrée et n’a donc plus rien à révéler. Au contraire, ne dit-on pas que « La Torah est plus large que la mer », c’est à dire qu’elle est infinie. En effet, face aux réalités nouvelles que sont la technologie, la bioéthique, l’économie et l’organisation sociale, une adaptation s’impose. Et puis, et surtout, à l’évidence, étudier la Torah, c’est se joindre à Hashem et ainsi affirmer que la vie a un sens parce que c’est Lui le Créateur de la Vie. C’est Le remercier d’avoir offert à Son peuple cette terre merveilleuse qui a pour nom Israël. Et je suis convaincu que si les Haredim et tous les autres Israéliens décidaient de faire chacun un pas vers l’autre, c’est fou comme Israël s’en sortirait renforcé, ce qui aujourd’hui, plus que jamais, est fondamental.
Je suis goy. Vive Israël !
Philippe ARNON






