Un rapport publié cette semaine par la plateforme Numbeo dresse un constat inquiétant : dans de nombreuses grandes villes européennes, le sentiment d’insécurité atteint des niveaux record. L’étude, fondée non pas sur des statistiques policières mais sur les perceptions réelles des habitants, révèle un malaise profond face à la criminalité, aux inégalités sociales et à l’impuissance des autorités.
En tête de ce classement sombre figure Bradford (Royaume-Uni), avec un indice de criminalité de 67,1, le plus élevé d’Europe. La ville industrielle du Yorkshire, jadis symbole de prospérité ouvrière, est désormais associée à la violence de rue et aux affrontements entre communautés.
Le Royaume-Uni en première ligne
Trois autres villes britanniques figurent dans le top 5 : Coventry, Birmingham et Manchester, toutes confrontées à une hausse spectaculaire de la criminalité au couteau. En 2024, l’Angleterre et le pays de Galles ont enregistré plus de 50 000 incidents liés à des armes blanches, soit une hausse de 30 % en dix ans.
Selon les habitants interrogés, les rues ne sont plus sûres, même en plein jour. Des quartiers entiers de Birmingham ou de Manchester sont désormais évités par crainte d’agressions, et la police avoue manquer de moyens pour répondre à la montée des violences juvéniles.
La France, deuxième épicentre de l’insécurité
Le classement de Numbeo place sept villes françaises dans les dix premières positions : Marseille, Grenoble, Montpellier, Nantes, Paris, Lyon et Nice. Un chiffre qui illustre la crise de sécurité et de cohésion sociale que traverse la France.
À Marseille, deuxième au classement, le crime organisé et le trafic de stupéfiants continuent de gangrener les quartiers nord. Malgré les opérations de police spectaculaires, les habitants parlent d’une peur constante :
« On ne sort plus le soir, même pour aller chercher le pain », confie un riverain du quartier de la Belle-de-Mai à France 3 Provence.
À Paris, les cambriolages, les vols à la tire et les agressions dans les transports détériorent l’image de la “ville lumière”. Les touristes eux-mêmes sont de plus en plus prudents, notamment aux abords de la gare du Nord et du boulevard de Clichy.
Les villes moyennes — Grenoble, Montpellier, Nantes, Lyon — souffrent quant à elles d’un cocktail explosif : chômage des jeunes, pauvreté urbaine et tensions communautaires. L’État tente de réagir, mais les habitants restent sceptiques.
« Le problème n’est plus seulement la délinquance, mais le sentiment d’abandon », explique un policier syndiqué cité par Le Figaro.
Italie, Belgique, Suède : des signaux d’alerte
Naples figure à la cinquième place du classement. Malgré les efforts récents du gouvernement italien, la mafia locale et la criminalité des banlieues continuent d’alimenter un climat d’insécurité.
Liège (Belgique) est la seule ville du Benelux à intégrer le top 10. Le rapport évoque une montée des cambriolages et des agressions nocturnes, souvent liées à des trafics transfrontaliers.
Malmö (Suède) ferme la liste : la ville, jadis vitrine du modèle social nordique, est aujourd’hui confrontée à une explosion des violences par armes à feu entre gangs issus de l’immigration.
Grèce : inquiétude à Athènes et Thessalonique
Plus bas dans le classement, Athènes (16ᵉ) et Thessalonique (23ᵉ) témoignent d’une inquiétude croissante. Avec des indices de 55,3 et 52,5, les habitants évoquent cambriolages, incivilités et manque de présence policière. La crise économique prolongée et l’afflux de migrants ont fragilisé le tissu social, alimentant la peur du désordre.
Un baromètre du malaise européen
L’indice de Numbeo va de 0 à 100 :
- 0 à 20 : criminalité très faible
- 20 à 40 : faible
- 40 à 60 : moyenne
- 60 à 80 : élevée
- au-delà de 80 : très élevée
Il ne mesure pas les faits, mais la perception du danger, façonnée par l’expérience quotidienne, les médias et les tensions économiques. Ce ressenti, souvent plus déterminant que les statistiques, influence directement les décisions de logement, les flux touristiques et les votes populistes dans plusieurs pays.
L’Europe sous le signe de la peur
Derrière les chiffres se cache une tendance inquiétante : l’érosion de la confiance dans l’État. Dans plusieurs pays, les citoyens ne croient plus à la capacité des autorités à protéger les quartiers populaires ou à restaurer l’ordre public.
Les disparités économiques et la pression migratoire accentuent ce sentiment d’insécurité, alimentant un repli identitaire et une montée des partis nationalistes, de la Suède à la France.
Les chercheurs en sociologie urbaine notent une corrélation directe entre le sentiment d’insécurité et la désintégration du tissu communautaire. L’Europe, jadis symbole de stabilité, semble aujourd’hui se fragmenter autour de ses fractures sociales et ethniques.
.« Ce n’est pas la peur du crime qui mine l’Europe, mais la peur de ne plus reconnaître son propre pays », résume un éditorial du Times.