Les propos de Naftali Bennett ravivent la bataille politique : entre calculs d’alliances et lutte pour le leadership

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L’enregistrement révélé par Kan 11 dans lequel Naftali Bennett déclare qu’il ne ferme pas la porte à une coalition avec les partis arabes ou les partis ultra-orthodoxes a suffi à ouvrir une nouvelle brèche dans le paysage politique israélien. Quelques phrases enregistrées en privé, mais qui exposent une vérité stratégique que beaucoup pressentaient déjà : Bennett prépare son retour, et il le fait en adoptant une ligne de flexibilité maximale, prêt à recomposer les cartes politiques pour s’imposer comme l’alternative la plus crédible à Benjamin Netanyahu. Dans l’enregistrement diffusé par Kan News, il reconnaît explicitement : « S’il manque des mandats, alors il faudra faire des compromis dans mille domaines ». Une phrase qui, dans l’arène politique israélienne, fait l’effet d’un séisme.

L’ancien Premier ministre sait que sa défaite de 2022 a laissé une trace profonde chez l’électorat de droite, en particulier dans le Likoud, qui lui reproche encore l’alliance avec Yair Lapid et Ra’am. Les partisans du bloc national lui ont collé l’étiquette de “traître à la droite”, tandis que la gauche n’a jamais réellement adopté sa figure, trop marquée par une rhétorique sécuritaire dure. Aujourd’hui, Bennett cherche manifestement à restructurer ce centre-droit où se concentrent les électeurs indécis. Son calcul devient visible : contourner l’érosion du Likoud, exploiter le rejet d’une partie du public envers Netanyahu, et se présenter comme le seul chef capable de rassembler des camps incompatibles. Le message adressé à l’électorat est limpide : lui seul peut empêcher l’arrivée d’un gouvernement de gauche, tout en garantissant une orientation sécuritaire ferme.

L’extrait diffusé sur les réseaux sociaux par Kan inclut une phrase qui éclaire encore davantage les intentions de Bennett : « Les électeurs du Likoud ne voteront jamais pour un gauchiste. Si c’est Bennett contre Netanyahu, ils voteront Bennett ». Ce passage dit tout. La bataille ne se joue pas contre les partis arabes, ni contre les Haredim : elle se joue au sein du camp national, sur l’identité du leader capable de contenir ou de remplacer Netanyahu. Pour la première fois depuis son départ, Bennett affirme précisément ce qu’il n’osait pas dire publiquement : il pense pouvoir reprendre le flambeau de la droite traditionnelle en se positionnant comme le seul candidat acceptable à la fois par les modérés et par les conservateurs.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. À droite, certains y voient la confirmation de ce qu’ils dénoncent depuis longtemps : un Bennett prêt à tout pour gouverner, quitte à s’allier avec les ennemis idéologiques de la droite. À gauche, d’autres analysent ses propos comme un signe de pragmatisme politique dans une société fracturée. Mais c’est au sein du bloc centriste que ses mots risquent d’avoir l’effet le plus marquant : l’électorat qui oscille entre Benny Gantz, Gideon Saar, Avigdor Liberman ou les partis du centre-gauche commence peut-être à voir en Bennett un candidat capable d’unifier un large front alternatif. En s’autorisant à parler d’alliances flexibles, il fait un clin d’œil à l’aile la plus rationnelle de la politique israélienne, où les dogmes sont parfois moins importants que la capacité à gouverner.

La résurgence médiatique de Bennett intervient dans un contexte particulièrement sensible. Israël se trouve en pleine recomposition stratégique, à l’intérieur comme à l’extérieur. Sur le plan sécuritaire, le pays doit gérer simultanément la menace iranienne, l’agressivité du Hezbollah — dont la dynamique s’est encore accentuée depuis l’élimination d’Ali Tabatabai, numéro deux militaire du mouvement — et une situation explosive en Cisjordanie. Sur le plan politique, les tensions internes restent vives, marquées par les séquelles du 7 octobre et les critiques envers la gestion de la crise par le gouvernement. Dans ce paysage, Bennett tente manifestement de se poser en homme d’État responsable, capable de faire ce que les autres n’osent pas faire : assumer devant le public que la survie politique passe par des compromis.

Il faut toutefois rappeler que Bennett n’en est pas à son premier paradoxe politique. Lorsqu’il avait constitué en 2021 le gouvernement d’union avec Yair Lapid, Gideon Saar et Mansour Abbas, il avait déjà revendiqué la nécessité de dépasser les lignes rouges idéologiques au nom de la stabilité nationale. Une démarche qu’une partie de la population avait jugée courageuse, et que l’autre avait vécue comme une trahison. En évoquant aujourd’hui à nouveau la possibilité d’un accord avec les partis arabes ou ultra-orthodoxes, il semble assumer pleinement cette ligne : l’efficacité avant la pureté idéologique.

Pour les partis arabes, les propos de Bennett constituent un signal intéressant. Eux aussi savent que la carte de la « normalisation politique » est une des seules voies pour éviter une marginalisation électorale. Longtemps présentés comme des acteurs extérieurs, ils ont cherché depuis Ra’am et Mansour Abbas à s’intégrer davantage au jeu politique. Si Bennett laisse entendre que les portes ne sont pas fermées, ils y verront probablement une opportunité de renforcer leur poids en cas de Knesset fragmentée. Quant aux partis ultra-orthodoxes, qui oscillent régulièrement entre les deux blocs, ils pourraient aussi y voir une carte de négociation supplémentaire, surtout dans une période où leur relation avec Netanyahu est marquée par des tensions internes silencieuses.

Mais c’est surtout l’électorat de droite qui se trouve placé au centre de cette équation. Bennett pense clairement que cet électorat veut un changement d’incarnation, pas nécessairement un changement d’idéologie. Sa phrase la plus révélatrice — selon laquelle les électeurs du Likoud ne voteront pas pour un gauchiste, mais pourraient voter pour lui — montre qu’il se positionne comme l’héritier naturel d’un courant national libéral, sioniste, sécuritaire et pragmatique. Une posture qui vise à récupérer les électeurs déçus mais pas encore détachés du camp national.

La dynamique politique à venir dépendra désormais de deux facteurs : la capacité de Bennett à recréer une structure partisane solide, et l’évolution des enquêtes et décisions judiciaires touchant plusieurs personnalités politiques israéliennes. Si la scène continue de se fragmenter, sa théorie d’une large coalition flexible pourrait séduire un public en quête de stabilité. Si, en revanche, le bloc de droite se resserre autour de Netanyahu, alors Bennett risque de se retrouver dans la même position qu’en 2022 : celle d’un leader sans base naturelle.

Dans un pays où les crises sécuritaires, diplomatiques et sociales s’accumulent, la question posée par l’enregistrement diffusé est peut-être plus profonde qu’elle n’y paraît. Elle ne concerne pas seulement Bennett, ni même les partis arabes ou ultra-orthodoxes. Elle questionne la capacité d’Israël à sortir d’un système politique paralysé par des lignes rouges figées. Et si l’ancien Premier ministre réussit à imposer l’idée qu’un gouvernement national fort peut être construit sur des alliances anciennement impensables, il pourrait bien remodeler durablement la politique israélienne.

Reste à savoir si l’électeur israélien — particulièrement après le traumatisme du 7 octobre — accordera sa confiance à un leader qui revendique ouvertement la flexibilité stratégique. Ou s’il préférera s’accrocher à des blocs plus rigides, mais perçus comme plus cohérents. L’avenir politique d’Israël pourrait bien se jouer autour de cette question : gouverner avec qui, et à quel prix ?

 

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