Dans la nuit, un nouvel épisode alarmant s’est ajouté à la série d’intimidations visant les journalistes en Israël. À l’entrée du bâtiment de Reshet 13, dans le quartier de Ramat HaHayal à Tel-Aviv, un graffiti inscrit à la bombe a été découvert : « Le sang des traîtres appelle plus de publicité. » Ce message violent, ouvertement menaçant, a immédiatement été interprété comme une attaque directe contre la liberté de la presse. Il survient dans un climat déjà lourd, où plusieurs journalistes travaillent sous protection rapprochée et rapportent des agressions verbales et physiques en pleine rue.
Sur les réseaux sociaux, le journaliste Yossi Eli, figure de la chaîne 13, a dénoncé un « véritable crime de haine contre la presse libre ». Dans un message publié sur X, il écrit : « C’est stupéfiant qu’un tel graffiti apparaisse dans un pays démocratique. Il y a ici une guerre totale contre les médias libres. Peu importe les opinions, droite, gauche ou centre : les dirigeants, les ministres, le Premier ministre doivent condamner. Quant à la police ? Inutile de préciser qu’elle doit intervenir immédiatement. » Le ton est grave, reflétant l’inquiétude croissante des professionnels des médias face à des attaques de plus en plus fréquentes.
La députée Efrat Rayten a également réagi, qualifiant l’inscription de « page du message gouvernemental apposée sur le mur ». Elle accuse certains membres du gouvernement de créer un climat où les soutiens du pouvoir se sentent autorisés à viser les journalistes. « À la place d’un gouvernement qui devrait craindre la presse, comme dans toute démocratie, c’est la presse qui a peur du gouvernement. C’est le signe d’un régime sombre », écrit-elle. Selon elle, ce graffiti n’est rien d’autre que « le coup d’envoi d’une année électorale extrêmement violente ».
Dans les rangs de l’opposition, la députée Sheli Tal-Miron (Yesh Atid) a ajouté un avertissement encore plus percutant : si l’incitation actuelle ne s’arrête pas immédiatement, « la question ne sera plus de savoir si un journaliste sera assassiné, mais quand ». Elle estime que la responsabilité d’un éventuel passage à l’acte incomberait directement aux « instigateurs » siégeant au gouvernement. Son message, largement relayé, illustre la peur d’une escalade où la violence verbale déboucherait sur un drame.
Du côté des organisations de presse, la condamnation est unanime. Journalistes, commentateurs politiques et responsables de rédaction dénoncent une vague d’hostilité sans précédent, décrite comme la pire depuis plus de vingt ans. Les reporters, envoyés couvrir les manifestations ou certains événements sensibles, se font régulièrement insulter, menacer ou empêcher de filmer. Plusieurs chaînes ont renforcé leurs protocoles de sécurité. Le graffiti de Ramat HaHayal est considéré comme un signal supplémentaire d’une dégradation rapide de l’espace démocratique.
La police israélienne a ouvert une enquête immédiatement après la découverte de l’inscription. Les équipes techniques passent en revue les images de vidéosurveillance couvrant l’entrée du bâtiment, dans l’espoir d’identifier les auteurs. Selon les premières évaluations, les suspects pourraient être retrouvés dans la journée, le bâtiment étant équipé d’un système dense de caméras. La direction de Reshet 13 a demandé une protection accrue des locaux et a appelé les autorités à prendre des mesures rapides pour stopper cette dynamique d’intimidation.
Cet incident intervient dans un contexte particulièrement instable. Le pays entre dans une nouvelle année politique marquée par de possibles élections anticipées, la crise sécuritaire persistante et les débats enflammés sur les responsabilités gouvernementales après les événements du 7 octobre. Dans ce climat, les journalistes restent une cible facile pour certains groupes extrémistes cherchant à délégitimer le rôle critique de la presse.
Dans une démocratie, attaquer la presse, c’est attaquer les fondations mêmes de l’État. La phrase taguée sur le mur de Reshet 13 n’est pas seulement une menace : elle est le symptôme d’un climat corrosif, où l’incitation se banalise et où les contre-pouvoirs institutionnels se retrouvent vulnérables. Alors que les tensions montent, l’affaire rappelle l’urgence absolue de protéger les journalistes — non pas en raison de leurs opinions, mais parce qu’ils garantissent à la société israélienne l’accès à la vérité, même lorsque celle-ci dérange.






