Un an après la trêve fragile conclue sous médiation américaine, le Liban s’enfonce à nouveau dans les tensions. Ce jeudi matin, le Hezbollah a publié une série de communiqués enflammés dénonçant “la poursuite des agressions sionistes” et affirmant “le droit légitime de résister”. Dans le même temps, Tsahal a confirmé avoir frappé plusieurs positions du groupe dans le secteur de Saïda et de la vallée de la Bekaa, en réponse à des mouvements suspects repérés par ses drones de surveillance.
Pour la première fois depuis des mois, des signes clairs laissent entrevoir une reprise des tirs de roquettes contre les localités israéliennes du Nord. Dans un message adressé “au peuple libanais”, Hezbollah affirme que “l’ennemi ne vise pas seulement la résistance, mais tout le Liban”, reprenant la rhétorique classique d’un État “agresseur”.
En Israël, le ton est tout autre. Les renseignements militaires ont détecté des préparatifs logistiques dans plusieurs villages chiites situés entre Nabatiyeh et Tyr : renforcement de caches d’armes, déploiement de petites unités de reconnaissance, et augmentation du trafic radio entre commandants locaux du Hezbollah.
Le chef d’état-major Eyal Zamir a réuni hier le ministre de la Défense Israël Katz pour faire le point sur la situation. “Nous considérons ces signaux comme un avertissement”, a déclaré Katz. “Si le Hezbollah franchit la ligne rouge, nous réagirons avec la pleine puissance de Tsahal.”
Les tensions ont aussi une dimension politique interne. Au Liban, le président Joseph Aoun tente de préserver une façade de neutralité tout en subissant les pressions d’un Hezbollah de plus en plus isolé, critiqué pour son alliance stratégique avec l’Iran. Le Premier ministre Nawaf Salam plaide pour “le maintien du cessez-le-feu”, mais son autorité réelle sur les milices est inexistante.
Côté israélien, les dernières semaines ont vu une intensification des activités de renseignement aérien au-dessus du Sud-Liban. Tsahal affirme avoir éliminé Hussein Jaber Dib, membre de la redoutée unité “Radwan”, impliqué dans des attaques planifiées contre les avant-postes israéliens. Le porte-parole de l’armée a précisé : “Ce terroriste était l’un des cerveaux opérationnels de la branche sud du Hezbollah. Son élimination est un message clair.”
Selon les estimations du renseignement militaire israélien (Aman), le Hezbollah dispose encore de plus de 130 000 roquettes, dont certaines capables d’atteindre Tel Aviv. Mais sa capacité de lancement rapide aurait été largement amoindrie par les frappes israéliennes ciblées sur les dépôts d’armes et les tunnels frontaliers depuis 2024.
Les analystes rappellent que le Hezbollah traverse une période de fragilité financière et politique. Les sanctions américaines sur ses circuits de financement, combinées à la crise économique libanaise, ont réduit son influence dans plusieurs bastions historiques. “Le mouvement cherche à restaurer son image de résistance, même au prix d’une confrontation limitée avec Israël”, estime Eyal Ben-Reuven, général (rés.) et ancien commandant du front Nord.
Pour Israël, cette “préparation à la guerre” ne signifie pas une attaque imminente, mais une prudence maximale. Le nord du pays, de Metula à Kiryat Shmona, reste en état d’alerte élevée. Les villages évacués lors des dernières escalades sont toujours partiellement vides, certains habitants refusant de revenir tant que le Hezbollah n’aura pas été désarmé au sud du Litani, comme l’exige la résolution 1701 de l’ONU.
Dans les airs, les avions de chasse de Tsahal multiplient les passages à basse altitude. “Le Hezbollah tente de tester notre réactivité, mais nous restons prêts”, déclare un officier de l’armée de l’air. Le ministère de la Défense a par ailleurs confirmé que le plan d’évacuation des civils du Nord avait été mis à jour “en cas d’incident majeur”.
Les États-Unis suivent de près la situation. Le département d’État a exhorté “toutes les parties à la retenue”, tout en rappelant le “droit d’Israël à se défendre”. En coulisse, Donald Trump, revenu à la Maison-Blanche, entretient un canal direct avec Jérusalem pour prévenir toute escalade incontrôlée. Selon Politico, un émissaire américain aurait déjà rencontré les autorités libanaises pour les avertir qu’“une attaque du Hezbollah provoquerait une riposte dévastatrice”.
La France, encore influente à Beyrouth, tente de sauver l’accord de trêve signé l’an dernier sous médiation conjointe de l’ONU et du Qatar. Mais les diplomates sur place reconnaissent que “la patience d’Israël s’épuise”.
Les militaires israéliens en sont convaincus : le Hezbollah se prépare à la guerre, même s’il n’ose pas encore la déclencher. Dans les salles de commandement du Nord, les cartes sont prêtes, les cibles connues, les escadrilles alignées.
“Nous avons quitté Gaza et réduit notre présence en Syrie”, résume un officier supérieur de Tsahal. “Si Nasrallah veut tester Israël, il le fera cette fois à ses dépens. L’armée est prête à frapper Dahiyeh, la Bekaa et au-delà.”
L’automne 2025 pourrait bien marquer la fin de la “pause stratégique” entre Israël et le Hezbollah — et le début d’un nouveau cycle d’affrontement que plus personne, ni à Beyrouth ni à Jérusalem, ne semble en mesure d’arrêter.






