C’est une étape stratégique que Paris veut faire voler bien haut : le vol inaugural de l’Archange, le nouvel avion de renseignement électronique français développé par Dassault Aviation, marque la volonté claire de la France de s’affranchir de la domination américaine en matière de renseignement aérien. Ce bijou technologique basé sur la plateforme du Falcon 8X remplace l’ancien Transall Gabriel (retiré en 2022), et propulse l’armée française vers une ère d’autonomie stratégique.
L’Archange (contraction de Avion de Renseignement à Charge utile Électronique) est doté de systèmes de surveillance ultra-sophistiqués développés par Thales, capables d’intercepter, d’analyser et de géolocaliser des signaux radar et des communications avec une extrême précision. Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme CUGE (Capacité Universelle de Guerre Électronique), et prévoit l’entrée en service de trois appareils d’ici 2028–2030, depuis la base aérienne 105 d’Évreux.
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Mais au-delà des prouesses techniques, l’Archange porte en lui un message géopolitique fort : la France ne veut plus dépendre de Washington pour savoir ce qui se passe dans le monde. Et pour cause : l’appareil est 100 % « ITAR free », c’est-à-dire dépourvu de composants soumis aux restrictions américaines à l’exportation. Un détail qui change tout. Cela signifie que Paris pourra utiliser, vendre ou moderniser l’appareil sans autorisation préalable des États-Unis – une rareté dans le domaine de la défense aéronautique moderne.
Ce projet, lancé en 2019, aurait dû voir le jour entre 2025 et 2027, mais a connu quelques retards techniques. Pourtant, son arrivée tombe à point nommé : l’ordre international est instable, les alliances traditionnelles se fragmentent, et la guerre en Ukraine rappelle que la capacité à capter et exploiter le renseignement en temps réel est aussi vitale que les chars ou les drones.
Face à la montée en puissance technologique de pays comme la Chine, la Turquie ou l’Iran, la France entend renforcer sa souveraineté en matière de renseignement stratégique, et l’Archange devient un symbole de cette ambition.
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Pour l’instant, seuls trois exemplaires sont prévus, mais plusieurs voix militaires et politiques appellent à élargir la flotte à cinq ou six appareils, tant les besoins sont criants. Cela permettrait à la France de se positionner comme un leader du renseignement électronique en Europe – et de ne plus dépendre du « cloud » de la NSA pour connaître les mouvements stratégiques au Sahel, en mer Noire ou au Proche-Orient.
Ce virage intervient alors que Paris plaide depuis des années pour une « Europe de la défense », et que la confiance entre partenaires occidentaux s’effrite. L’Archange est donc bien plus qu’un avion : c’est un manifeste volant.
Dans un ciel saturé de satellites américains et de drones chinois, la France affirme qu’elle aussi peut voir, écouter… et comprendre. Sans demander la permission..