Dans un retournement spectaculaire, la Knesset a adopté en première lecture, mercredi 22 octobre, deux propositions de loi appliquant le droit israélien sur plusieurs zones stratégiques de Judée-Samarie, notamment Ma’ale Adumim et Yitzhar — et ce, contre la position officielle du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Le vote, qui a créé la stupeur jusque dans les rangs du Likoud, marque une fracture politique majeure au sein du bloc national et met en lumière la tension croissante entre la base souverainiste du gouvernement et la prudence diplomatique affichée vis-à-vis de Washington.
Une majorité inattendue, portée par la droite… et le centre
La première proposition, déposée par Avi Maoz (Noam), a été adoptée par 25 voix contre 24. Quelques minutes plus tard, celle d’Avigdor Lieberman (Israël Beytenou) visant Ma’ale Adumim passait également par 32 voix contre 9.
Fait inédit : des députés de Yesh Atid, Kahol Lavan et même Israël Beytenou — habituellement classés dans l’opposition — ont voté en faveur de la souveraineté israélienne. Pendant ce temps, le Likoud, suivant la directive du Premier ministre, s’est abstenu.
“La souveraineté ne se fait pas à travers des lois d’opposition”, a rappelé Ofir Katz, président de la coalition et proche de Netanyahu, soulignant que l’heure devait rester à l’unité avec le président Donald Trump et son administration, “afin de ne pas compromettre les acquis diplomatiques et sécuritaires obtenus dans la guerre contre le Hamas”.
Mais cette abstention n’a pas suffi à bloquer la vague. Même Otzma Yehudit et le sionisme religieux, pourtant membres de la coalition, ont refusé d’obéir à Netanyahu et voté pour la loi Maoz.
“Lapid et Gantz apportent la souveraineté à Ma’ale Adumim”
La scène a frappé les observateurs. Sur la chaîne Channel 12, le commentateur politique Amît Segal a résumé la stupeur générale :
“Qui aurait cru que Lapid et Gantz apporteraient la souveraineté à Ma’ale Adumim contre la position du Likoud ? C’est un tournant politique aussi symbolique qu’explosif.”
Même Goldknopf (Judaïsme unifié) a voté en faveur de la proposition, brisant le consensus de neutralité recommandé par le bureau du Premier ministre.
Du côté du Likoud, la colère gronde. “C’est encore une provocation de l’opposition visant à nuire à nos relations avec les États-Unis”, a réagi un porte-parole du parti dans un communiqué transmis à Ynet.
“Nous renforçons la colonisation chaque jour, par des actes, pas par des lois de façade. La véritable souveraineté se construit par le terrain, la sécurité et les alliances.”
Une fracture stratégique au sein du camp national
Cette mini-rébellion parlementaire révèle un désaccord profond entre les tenants d’une souveraineté immédiate, soutenus par Smotrich et Ben Gvir, et ceux qui prônent une approche progressive, coordonnée avec Washington.
Alors que le président Donald Trump a réaffirmé cette semaine à Jérusalem sa “volonté d’un partenariat stratégique avec Israël”, il a également prévenu que toute extension unilatérale des frontières “devait être coordonnée pour garantir la stabilité régionale”.
Le timing du vote est donc explosif : alors que l’armée israélienne consolide sa victoire militaire à Gaza et que la diplomatie américaine travaille à une nouvelle architecture régionale, cette initiative législative menace de fragiliser la coopération américano-israélienne.
Un symbole historique pour la droite israélienne
Pour Avi Maoz, “il s’agit d’un acte de justice historique”.
“Nos ancêtres ont prié sur ces collines bien avant 1948. Il est temps de dire au monde que la Judée-Samarie fait partie intégrante d’Israël.”
De leur côté, les partisans du camp centriste ont souligné le caractère pragmatique du geste. “Il s’agit d’un message de souveraineté, pas d’annexion”, a déclaré Gantz à Israel Hayom.
Mais pour les diplomates américains, l’initiative reste problématique : elle pourrait compliquer la mise en place de la force internationale de stabilisation à Gaza, à laquelle Israël participe déjà sous la supervision du président Trump.
Une bataille politique à suivre
Le vote de mercredi n’est qu’une première lecture, mais il a valeur de séisme politique.
Il expose les failles internes du Likoud, la montée d’un nationalisme souverainiste désinhibé, et la volonté de l’opposition centriste de capter une partie de l’électorat patriote.
Dans les prochains jours, la pression s’annonce immense sur Netanyahu, pris entre ses alliés américains et ses partenaires de coalition décidés à imposer la souveraineté sur le terrain.
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