La session d’hiver de la Knesset s’est ouverte dans une atmosphère électrique. Entre les appels à l’unité de Yariv Levin, les attaques de l’opposition contre le contrôleur d’État, et la passe d’armes symbolique entre le président Herzog, le Premier ministre Netanyahou et le nouveau président de la Cour suprême, Itzhak Amit, le théâtre politique israélien a retrouvé toute son intensité.
C’est dans ce climat de crispation institutionnelle que le ministre de la Justice, Yariv Levin, a lancé un appel solennel :
« Avec le début de la session d’hiver, j’appelle tous les membres de la coalition à mettre de côté leurs différends et à agir ensemble pour finaliser plusieurs propositions de loi importantes », a-t-il déclaré.
Ces projets de loi, suspendus depuis six mois, concernent des réformes structurelles promises depuis la précédente session : la désignation aléatoire des formations de la Cour suprême, la révision du rôle du conseil juridique du gouvernement et surtout la restructuration du département des enquêtes internes (Mahash), que Levin veut détacher du bureau du procureur général pour en renforcer l’indépendance.
« Nous avons cinq mois pour finaliser cette législation, c’est entre nos mains », a insisté Levin, dans une formule qui sonne à la fois comme une mise en garde et un serment politique.
Une Knesset sous tension
À peine le discours du ministre prononcé, le ton a changé dans l’hémicycle. Le président de la Knesset, Amir Ohana, a pris la parole pour saluer le nouveau président de la Cour suprême, le juge Itzhak Amit, assis parmi les invités.
Mais l’opposition, emmenée par Yesh Atid, n’a pas assisté au discours d’ouverture — une absence remarquée, que les caméras ont retransmise en direct.
« L’opposition ne s’est pas connectée », a ironisé Amit Segal sur les réseaux sociaux, résumant la scène en une phrase.
Quelques minutes plus tard, les députés de Yesh Atid sont entrés les uns après les autres, dans un geste calculé destiné à marquer leur désapprobation sans boycotter totalement la séance.
Lapid attaque, Herzog s’indigne
Plus tôt dans la journée, le chef de l’opposition Yair Lapid avait ouvert les hostilités en accusant le contrôleur d’État d’être un « contrôleur partisan », accusant le gouvernement de transformer les institutions indépendantes en instruments politiques.
Cette sortie a renforcé la polarisation du débat : d’un côté, un exécutif qui se dit déterminé à réformer ; de l’autre, une opposition qui dénonce un affaiblissement du pouvoir judiciaire.
Le président de l’État, Isaac Herzog, présent à la tribune, a tenté de ramener la dignité dans le débat. Voyant les tensions monter, il a pris la parole face à Ohana et au juge Amit :
« Mon cœur saigne. Ce que nous voyons est un manque de respect, une atteinte à la dignité humaine, une atteinte à la dignité des juges d’Israël. Je serai là pour les juges d’Israël. »
Ces mots, prononcés avec gravité, ont immédiatement été perçus comme un soutien moral au système judiciaire, mis sous pression depuis des mois par la réforme portée par Levin et le gouvernement Netanyahou.
Netanyahou : “Lui est président de la Cour suprême, et moi, Premier ministre”
Lorsque le Premier ministre Benjamin Netanyahou a pris la parole à son tour, il a adopté un ton de fermeté mêlé de diplomatie :
« Itzhak Amit est le président de la Cour suprême, et c’est un fait. Mais moi aussi, je suis Premier ministre, et c’est un fait. »
Cette phrase, aussitôt reprise par tous les médias, résume à elle seule le bras de fer institutionnel qui traverse Israël depuis deux ans : un exécutif décidé à redéfinir l’équilibre des pouvoirs, une Cour suprême qui défend son autorité, et un président d’État qui tente de maintenir un lien fragile entre les deux.
L’hiver sera long
Entre les urgences militaires, les fractures politiques et la fatigue de l’opinion, cette session d’hiver de la Knesset s’annonce déterminante.
Le gouvernement veut avancer sur ses réformes avant le printemps, mais chaque mot, chaque vote, chaque absence sera scruté comme un signe d’adhésion ou de rupture.
À l’extérieur, la guerre continue ; à l’intérieur, la bataille pour l’âme institutionnelle d’Israël ne fait que commencer.
Et si l’histoire politique israélienne a souvent été faite de confrontations, celle-ci pourrait bien décider du visage de la démocratie pour les années à venir.