Le témoignage d’Israël Hayat, ancien soldat de la brigade Golani, résonne comme un cri d’alarme. De retour de Gaza, il raconte l’horreur des combats, la perte de ses camarades et les séquelles psychologiques qui l’habitent. Au moment même où Tsahal annonce l’appel de 60 000 réservistes supplémentaires pour renforcer un front déjà saturé, ce récit met en lumière une double réalité : l’extrême intensité des combats et le traumatisme grandissant au sein de la société israélienne.
À partir du 2 septembre, l’armée israélienne va mobiliser 60 000 réservistes en plus des 70 000 soldats déjà engagés dans la bande de Gaza. La plupart ne seront pas envoyés en première ligne : ils remplaceront les conscrits dans des zones jugées moins dangereuses comme la Cisjordanie, le Liban ou la Syrie. Mais pour ceux qui partent à Gaza, l’enjeu est clair : affronter des miliciens du Hamas dans un terrain piégé, où chaque rue peut devenir une embuscade.
C’est dans ce contexte qu’Israël Hayat, malade et donc libéré de ses obligations, a décidé de témoigner. Ancien infirmier au sein du prestigieux 13ᵉ bataillon Golani, il décrit la brutalité des combats : « J’ai vu des copains exploser en mille morceaux. Certains sont morts dans mes bras alors que j’essayais de les réanimer. J’ai perdu 23 amis, 23 frères. » Ses mots traduisent la réalité d’une guerre où l’engagement militaire se paie d’un tribut humain insupportable. Pour honorer la mémoire de ses camarades, il porte chaque semaine le talith de l’un d’entre eux, tombé au combat.
Mais au-delà de la douleur, c’est le traumatisme psychologique qui domine. Hayat raconte des crises de violence incontrôlables, des gestes d’autodestruction, une incapacité à sortir de Gaza même une fois rentré chez lui. « Mon corps est ici, mais mon esprit est à Gaza », confie-t-il. Ces confessions illustrent le poids d’une guerre interminable : depuis octobre 2023, plus de 900 soldats israéliens ont été tués à Gaza et 59 se sont suicidés, incapables de supporter le fardeau du retour.
Ces témoignages révèlent aussi un malaise croissant dans la société israélienne. Devant la Knesset, des soldats démobilisés se rassemblent pour réclamer une meilleure prise en charge. « Chaque soldat que vous voyez ici est un cadavre ambulant », insiste Hayat. Derrière cette phrase, une critique implicite : l’armée israélienne, concentrée sur ses objectifs stratégiques, peine à gérer l’après-combat. La guerre psychologique se poursuit bien après la guerre physique.
Sur le terrain, la situation reste d’une intensité dramatique. Dans le quartier de Zeitoun, à Gaza-Ville, les combats reprennent pour la septième fois. Malgré des incursions répétées, Tsahal n’a pas réussi à neutraliser totalement les miliciens du Hamas. Cette persistance illustre la difficulté à tenir un espace urbain densément peuplé et fortifié, où chaque ruine peut abriter une cellule terroriste. Lors de la précédente bataille pour Gaza-Ville fin 2023, 122 soldats israéliens avaient trouvé la mort.
Cette stratégie d’appel massif aux réservistes révèle une armée sous tension. Plutôt que d’exposer des hommes plus âgés, critiques et épuisés par des mobilisations répétées, l’état-major préfère envoyer de jeunes recrues, tout juste majeures, qui n’ont pas d’autre choix que de partir au front. Ce choix, pragmatique militairement, nourrit un débat éthique et social en Israël : faut-il sacrifier la jeunesse du pays pour prolonger une guerre dont l’issue reste incertaine ?
La communication de l’armée elle-même semble fragilisée. En donnant la parole à des soldats comme Hayat, Radio France souligne une brèche dans le récit officiel : Tsahal, habituellement maître de son image, voit émerger une contre-narration, faite de douleur, de colère et de critiques. Cela nourrit à la fois le débat interne en Israël et la perception internationale d’une armée engagée dans une guerre d’usure.
À l’échelle géopolitique, cette situation s’inscrit dans une guerre plus large. Alors que le Hamas résiste dans Gaza, le Hezbollah intensifie ses pressions au nord et l’Iran continue de soutenir ses proxies. La mobilisation massive des réservistes traduit la crainte d’un conflit qui s’étende à plusieurs fronts. Mais elle reflète aussi la résilience d’Israël : malgré les pertes et le traumatisme, la société israélienne reste déterminée à neutraliser la menace terroriste à ses frontières.
En conclusion, le témoignage d’Israël Hayat n’est pas seulement celui d’un homme brisé par la guerre. Il est le miroir d’un peuple entier confronté au dilemme de sa survie : continuer à se battre, au prix d’immenses sacrifices humains, ou céder à la pression internationale qui exige un cessez-le-feu. La douleur de ces soldats rappelle une vérité brutale : la sécurité d’Israël ne s’achète qu’au prix de vies humaines, et c’est ce prix que le pays continue de payer pour exister dans un environnement hostile.
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