Officiellement, l’Égypte explique au monde qu’elle refuse l’« immigration volontaire » des Gazaouis pour préserver la « cause palestinienne ». En réalité, Le Caire ne veut tout simplement pas de millions de réfugiés dans le Sinaï. Une ligne de fermeté que l’opinion internationale feint de ne pas voir, préférant s’accrocher au récit diplomatique.
Le refus n’est pas seulement idéologique, il est profondément politique et sécuritaire. L’armée égyptienne considère le Sinaï comme une zone fragile, déjà infiltrée par les djihadistes de Daech. Ouvrir massivement la frontière avec Gaza, c’est importer une instabilité supplémentaire et prendre le risque d’implanter durablement une population perçue comme ingérable. « L’Égypte n’acceptera jamais d’être la patrie de substitution », répète le président Abdel Fattah al-Sissi.
Au fond, ce rejet traduit une méfiance accumulée depuis des décennies. Les Palestiniens ont laissé partout derrière eux des traces de rupture : tentative de prise de pouvoir en Jordanie en 1970 (le « Septembre noir »), ingratitude envers le Koweït qui les avait accueillis et financés avant qu’Arafat soutienne Saddam Hussein en 1990, tensions meurtrières au Liban avec la guerre civile, hostilité répétée envers l’Égypte malgré les accords du Caire. Les pays arabes ont retenu la leçon : accueillir les Palestiniens, c’est importer des conflits internes et une contestation politique.
Derrière les discours de solidarité, l’attitude des États arabes est limpide. La Jordanie, l’Arabie saoudite, l’Égypte, mais aussi le Maroc ou les Émirats, affichent leur compassion en façade mais ferment hermétiquement leurs portes. Leur obsession n’est pas tant de sauver Gaza que de s’assurer que Gaza reste… à Gaza.
Le paradoxe est cruel : ces régimes exigent d’Israël qu’il ménage la population civile, tout en refusant eux-mêmes d’offrir la moindre alternative humanitaire. Le « front arabe » préfère voir les habitants de Gaza piégés dans les ruines plutôt que de les accueillir. Un choix cynique, dicté par la peur d’importer un problème qu’ils considèrent comme irrémédiable.
Israël se retrouve donc face à une équation absurde : il est seul à porter la responsabilité humanitaire d’un peuple que ses propres « frères arabes » rejettent. La rhétorique arabe continue d’exiger la survie de Gaza au nom de la « cause », mais chacun sait que le véritable moteur est un refus catégorique de transformer son territoire en champ de ruines importées.
Cette hypocrisie éclaire d’un jour cru la solitude stratégique d’Israël. Dans un Moyen-Orient où même les voisins arabes ne veulent plus des Palestiniens, la question n’est pas tant de savoir qui soutient Gaza, mais plutôt qui s’efforce à tout prix de s’en débarrasser… sans l’avouer.
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