Avant que les avions de chasse F-35 de pointe d’Israël ne s’élancent pour attaquer les installations nucléaires et les hauts responsables militaires iraniens, une menace plus discrète, mais tout aussi redoutable, avait déjà franchi les frontières : des centaines de drones quadricoptères armés d’explosifs.
Selon des sources proches de l’opération, Israël a passé des mois à faire passer en contrebande, via des valises, des camions ou des conteneurs, des composants pour ces drones ainsi que des munitions pouvant être tirées à distance. De petites unités équipées de ces armes ont été déployées à proximité des défenses antiaériennes iraniennes et des sites de lancement de missiles.
Au moment de l’attaque israélienne, certaines équipes ont neutralisé les défenses aériennes, tandis que d’autres ont ciblé les lanceurs de missiles à leur sortie des hangars. Cette manœuvre, coordonnée et chirurgicale, explique en partie pourquoi la réponse iranienne est restée relativement modérée.
Ces événements illustrent aussi comment une technologie accessible, telle que des drones du commerce, redessine le champ de bataille en rendant vulnérables même les défenses les plus avancées.
Une scène emblématique de l’opération s’est déroulée vendredi, lorsque des excavatrices ont été vues en train de dégager les débris d’un immeuble résidentiel à Téhéran, après des frappes aériennes israéliennes. Des images montrent la fumée s’élevant au-dessus de la province de Kermanshah, dans l’ouest de l’Iran.
Selon l’ancien haut responsable du Mossad Sima Shine, aujourd’hui directrice du programme Iran à l’Institut d’études sur la sécurité nationale, Israël s’attendait à une riposte iranienne bien plus lourde. « L’Iran a des ressources considérables. Ce qui s’est passé ne veut pas dire que le pire est derrière nous », a-t-elle averti.
Pourtant, les frappes israéliennes, qui ont notamment visé des sites souterrains de missiles sol-sol et des tunnels de stockage, ont porté un coup sévère à la capacité offensive iranienne. Tsahal a revendiqué l’usage de 70 avions de chasse ayant passé plus de deux heures dans l’espace aérien iranien — une profondeur d’intervention sans précédent.
Un avis émis par les services de renseignement iraniens, relayé samedi dans certains médias dont le Tasnim (proche des Gardiens de la Révolution), mettait en garde la population contre l’usage de pick-up ou de camions banalisés par Israël pour lancer des drones.
L’opération a également montré à quel point Israël a infiltré le territoire iranien. Des précédents existent : l’année dernière, une bombe dissimulée dans la chambre sécurisée d’Ismaïl Haniyeh, haut responsable du Hamas, avait été déclenchée à distance lors de sa visite à Téhéran.
Dans cette campagne actuelle, le Mossad aurait également mené des traques d’individus clés dans la capitale iranienne. Il ne s’agit pas de la première utilisation de drones par Israël : en 2022, l’État hébreu avait frappé un site de production de drones à Kermanshah, puis, en 2023, une usine de munitions à Ispahan.
L’opération actuelle a été préparée de longue date. Connaissant la localisation des missiles iraniens prêts à être lancés, Israël avait besoin d’une capacité de frappe depuis le sol, en raison de la distance. Les quadricoptères ont été introduits via des circuits commerciaux, parfois avec la complicité involontaire de partenaires locaux. Les chefs d’équipes ont été formés dans des pays tiers.
L’un des éléments critiques pour l’Iran, selon les renseignements israéliens, est le faible nombre de camions capables de déplacer les missiles depuis les hangars vers les rampes de lancement. Le Mossad a donc aussi ciblé ces camions, neutralisant des dizaines d’entre eux. Les équipes au sol sont restées actives jusqu’au vendredi soir.
Enfin, selon Sima Shine, au-delà des dégâts matériels, la révélation publique de l’opération a un autre effet tout aussi stratégique : « Aucun haut responsable iranien ne peut désormais être certain qu’il n’est pas surveillé par le renseignement israélien — ni qu’il n’est pas une cible potentielle. Cela génère un climat de peur constant. »
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