La mise en accusation de l’ancien directeur du FBI James Comey pour parjure et obstruction à la justice alimente déjà les débats politiques aux États-Unis. Mais cette affaire a aussi tout d’un scénario de fiction. Entre rivalités internes, manipulations médiatiques et luttes de pouvoir, Netflix pourrait en faire une fresque haletante, dans la veine de House of Cards et The Americans.
Dans l’Amérique de Donald Trump, la frontière entre fiction et réalité semble s’être dissoute depuis longtemps. Le feuilleton politique quotidien, fait de tweets rageurs, de fuites orchestrées et d’enquêtes croisées, dépasse régulièrement les scénarios les plus tordus des séries télévisées. La récente mise en examen de James Comey, ancien patron du FBI, pour obstruction et faux témoignage devant le Sénat, ne fait que renforcer cette impression. Dès lors, il n’est pas surprenant que des créateurs de contenus commencent à imaginer ce scandale comme la trame d’une future série Netflix.
Le pitch est simple et redoutablement efficace. Titre provisoire : Au-dessus de la loi. Un haut responsable, symbole d’intégrité et de rigueur, bascule au centre d’un engrenage politico-judiciaire. Officiellement garant de l’État de droit, il se retrouve accusé d’avoir lui-même faussé le jeu. Le spectateur est plongé dans une atmosphère suffocante : auditions télévisées, couloirs feutrés du Capitole, parkings obscurs où se rencontrent informateurs et agents fédéraux. Chaque épisode jouerait sur cette dualité entre la lumière – les serments sur la Constitution, la solennité des institutions – et l’ombre – les fuites, les manipulations, les ambitions personnelles.
La série mettrait en scène deux temporalités parallèles. D’un côté, l’enquête officielle sur les interférences russes dans la présidentielle de 2016, théâtre de confrontations publiques et de batailles juridiques. De l’autre, les coulisses : les tractations secrètes, la pression de la Maison Blanche, les rivalités internes entre agences de renseignement. Le cœur du récit reposerait sur la chute progressive d’un homme qui croyait incarner la probité absolue et qui découvre qu’il n’est lui-même qu’un pion dans une partie plus vaste…
Visuellement et narrativement, Au-dessus de la loi pourrait s’inspirer de House of Cards, avec ses intrigues cyniques et son esthétique froide, tout en empruntant à The Americans le goût de la paranoïa et de la manipulation. Washington y apparaîtrait comme une ville-labyrinthe, peuplée de personnages ambigus persuadés d’agir « pour le bien du pays », mais dont les motivations réelles sont constamment sujettes à caution.
Les thèmes abordés auraient une résonance universelle. D’abord, la question de la vérité dans un monde saturé de mensonges et de communication. Dans une ère où les réseaux sociaux imposent leur tempo, chaque fuite devient une arme, chaque déclaration une munition. Ensuite, la question du pouvoir des agences de renseignement. Quelle est la légitimité d’institutions qui se prétendent indépendantes, mais qui, en réalité, sont plongées jusqu’au cou dans le jeu politique ? Enfin, la chute des icônes. James Comey, naguère perçu comme l’incarnation du serviteur de l’État, est désormais montré du doigt. Cette trajectoire offre un matériau dramatique idéal, nourri de dilemmes moraux et de chutes spectaculaires.
Un slogan promotionnel pourrait résumer l’esprit de la série : « Dans la capitale la plus puissante du monde, la vérité est l’arme la plus dangereuse. » Tout est dit. Car ce qui rend l’affaire Comey fascinante, c’est précisément ce brouillage permanent entre vérité et mensonge, loyauté et trahison, justice et vengeance politique.
Netflix, friand de productions mêlant actualité brûlante et dramaturgie politique, trouverait là une matière parfaite. Le public international, déjà captivé par les péripéties de la présidence Trump, verrait dans Au-dessus de la loi un prolongement romanesque d’événements qu’il a suivis en temps réel. Mais la série pourrait aussi s’adresser aux spectateurs plus larges, fascinés par les mécanismes universels du pouvoir et de la corruption.
Enfin, Au-dessus de la loi aurait une portée symbolique. Elle rappellerait que, dans une démocratie, même les plus hauts responsables peuvent être rattrapés par leurs propres contradictions. Et qu’au fond, la véritable intrigue n’est pas seulement américaine. Dans chaque pays où les institutions prétendent fonctionner au-dessus des hommes, il existe un moment où la loi, la morale et la politique s’entrechoquent. C’est ce moment de bascule que la fiction, mieux encore que l’actualité brute, peut mettre en lumière.
En transformant la chute de James Comey en fresque télévisée, Netflix ne ferait pas qu’exploiter un scandale de plus. Elle offrirait une plongée dans les coulisses de la première puissance mondiale, là où la loyauté n’est jamais gratuite et où la vérité, trop dangereuse, devient l’ultime monnaie d’échange.
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