Ce Pourim est différent. L’air est plus lourd, les rires plus contenus. En Israël, la guerre s’éternise, ses échos résonnant dans chaque foyer. Des otages languissent dans les tunnels de Gaza, leurs familles prises dans une angoisse inextinguible. Les tombes des soldats de Tsahal tombés au combat – trop nombreuses, trop jeunes – parsèment notre terre, chacune témoignant d’un sacrifice que nous pouvons à peine supporter. Des parents endeuillés tiennent des photos à la place de leurs enfants ; des enfants qui ne connaîtront jamais leurs pères contemplent un monde assombri par la perte. Des mères, enceintes après la mort de leurs maris, bercent leurs nouveau-nés avec une fierté baignée de larmes. Et au-delà de nos frontières, l’antisémitisme déferle, une marée venimeuse qui s’abat sur notre âme collective.
Le désespoir nous guette. Il serait facile de succomber, de se laisser écraser par le poids de ce moment. Mais si Pourim nous enseigne une chose, c’est que le désespoir n’est pas notre destin. Cette fête, née d’une quasi-annihilation il y a 2 500 ans, murmure une vérité à laquelle nous devons nous accrocher aujourd’hui : nous sommes résilients. Nous sommes plus forts que nous ne le pensons. Avec 2 000 ans de survie derrière nous et le Dieu d’Israël à nos côtés, nous sortirons de cette ombre.
Promenez-vous dans n’importe quelle ville israélienne cette semaine et vous le constaterez. Au milieu des costumes et du cliquetis hésitant des groggers, une défiance silencieuse règne. À Sderot, une mère habille sa fille en Esther, les mains tremblantes à cause des années d’alertes aux roquettes, mais son sourire dit : « Nous sommes toujours là. » Un réserviste, de retour du front, rejoint ses enfants pour préparer des hamantaschen, le regard las, mais l’esprit intact. À Jérusalem, une veuve allume des bougies pour son mari qui ne reviendra pas, puis élève la voix pour la Meguilat Esther, car s’arrêter serait se rendre.
Ce n’est pas le Pourim des réjouissances insouciantes. Les pétards, si dérangeants pour les vétérans souffrant de SSPT, crépitent moins cette année, un clin d’œil aux blessures que nous portons. Les masques que nous portons ressemblent moins à du jeu qu’à une armure.
La guerre nous met à l’épreuve. Les otages – nos frères et sœurs – hantent nos prières. Je pense à un enfant né ce mois-ci, dont le nom du père est gravé sur une pierre tombale au lieu d’un acte de naissance. Je pense aux familles qui placeront une chaise vide à la séoudah de Pourim, un cri silencieux pour ceux qui sont encore en captivité. Je pense à la synagogue de Paris profanée de croix gammées, au campus de New York où les étudiants juifs cachent leur kippa. Le monde semble désemparé, et nos cœurs en souffrent.
Mais Pourim ne se résume pas à l’absence de douleur, mais à ce que nous en faisons. Esther n’a pas attendu la sécurité ; elle a agi au milieu du danger. Mardochée ne s’est pas recroquevillé ; il s’est tenu droit quand il était plus facile de s’incliner. Leur histoire nous rappelle que la survie n’est pas passive. C’est le courage de préparer des michloah manot pour un voisin qui a perdu son fils, de danser même lorsque nos pieds vacillent, de nous accrocher fermement à notre foi et à notre Dieu lorsque le doute s’insinue.
Nous avons enduré 2 000 ans d’exil, de pogroms et de persécutions, non pas parce que nous sommes invincibles, mais parce que nous sommes obstinés. Parce que nous avons appris à trouver la lumière dans les recoins les plus sombres. Parce que le Dieu qui a ouvert la mer Rouge, qui a protégé Daniel dans la fosse aux lions, qui a fait de la potence d’Haman sa propre perte, marche toujours à nos côtés. En ce Pourim, cette foi n’est pas une platitude, elle est notre bouée de sauvetage.
Alors oui, la guerre fait rage. Les otages attendent. L’antisémitisme gronde. Nos pertes sont profondes. Mais nous ne sommes pas désespérés. Nous sommes les enfants d’Abraham, endurcis par les épreuves, liés par une alliance qu’aucun ennemi ne peut rompre. Ayons confiance que l’aube succède même à la plus longue nuit. Nous survivrons à cette épreuve, non seulement parce que nous le devons, mais parce que nous l’avons toujours fait.
Par Gila Isaacson.
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