C’est une opération financière qui illustre parfaitement la transformation silencieuse de certains moshavim israéliens en acteurs économiques de premier plan. Le Moshav Mesuot Yitzhak, une localité agricole d’environ 700 habitants, vient de réaliser un exit retentissant de 33 millions de shekels grâce à la vente d’une partie de ses participations dans la société industrielle Albad, spécialisée dans la production de lingettes humides et de textiles non tissés.
À la suite de l’annonce de la transaction, le titre Albad a bondi d’environ 8 % en Bourse, poursuivant une dynamique exceptionnelle avec une hausse cumulée de près de 75 % depuis le début de l’année. Une performance qui attire désormais l’attention bien au-delà des cercles agricoles ou régionaux.
Une vente partielle, mais hautement stratégique
Dans le cadre de cette opération, le moshav, actionnaire de contrôle d’Albad, a cédé environ 6 % du capital de la société à trois investisseurs institutionnels majeurs : Mor Investment House, le fonds spéculatif Noked Capital, et Fidelity Gold dirigé par Asaf Gold. La transaction a été conclue à un prix de 2 920 agorot par action, représentant une décote modérée d’environ 3 % par rapport au cours précédent — une pratique courante dans les placements institutionnels de grande envergure.
Malgré cette cession, Mesuot Yitzhak conserve près de 60 % du capital, demeurant ainsi l’actionnaire majoritaire et conservant un contrôle stratégique sur l’entreprise. L’objectif affiché n’est donc pas un désengagement, mais bien une amélioration de la liquidité et de la négociabilité du titre, afin de faciliter l’entrée d’investisseurs institutionnels de long terme.
Un pari audacieux devenu un succès éclatant
Cette opération vient clore un cycle entamé il y a exactement trois ans, en décembre 2022. À l’époque, Albad traversait une période délicate : la société était valorisée à seulement 85 millions de shekels et souffrait d’une liquidité boursière limitée. Une augmentation de capital par émission de droits avait alors permis de lever 48,3 millions de shekels.
Dans un geste fort de confiance, les membres du moshav avaient non seulement participé à l’opération, mais injecté 35 millions de shekels supplémentaires au-delà de leur quote-part, faisant passer leur participation de 59 % à 66 %. Ce signal envoyé au marché était crucial : les banques exigeaient une preuve d’engagement clair des actionnaires de contrôle pour continuer à soutenir l’entreprise.
Trois ans plus tard, le pari s’est avéré payant. La capitalisation boursière d’Albad atteint désormais 455 millions de shekels, soit une progression de plus de 300 %, et le moshav commence à récolter les fruits d’un investissement patient et structuré.
Des résultats financiers solides et une dynamique industrielle forte
Sur le plan opérationnel, Albad affiche des performances remarquables. Le deuxième trimestre 2025 a marqué un record historique avec 462,3 millions de shekels de chiffre d’affaires, en hausse de 5 % sur un an, et un bénéfice net en progression de 64 %, à 25,1 millions de shekels.
La tendance s’est poursuivie au troisième trimestre, avec des revenus de 460 millions de shekels, une croissance organique de 6 % et un bénéfice net en hausse de 42 %. Signe de solidité financière retrouvée, l’entreprise a également repris le versement de dividendes, distribuant 20 millions de shekels pour la première fois depuis cinq ans.
Près de 92 % des revenus d’Albad proviennent des marchés européens, où la demande pour les lingettes humides continue de croître, notamment dans les segments de l’hygiène et du soin. L’entreprise investit actuellement 5,7 millions d’euros dans une usine en Pologne, tandis qu’une nouvelle ligne de production avancée à Dimona devrait entrer en service commercial en 2026.
Une réussite… mais pas sans risques
L’entrée de grands investisseurs institutionnels renforce la crédibilité du modèle économique d’Albad et améliore la profondeur du marché pour son action. Une liquidité accrue réduit les écarts entre prix d’achat et de vente et permet des transactions de grande taille sans volatilité excessive.
Cependant, les analystes soulignent aussi plusieurs facteurs de risque : exposition aux fluctuations des devises (principalement l’euro et le dollar), impact potentiel des droits de douane américains, et vulnérabilité à un ralentissement économique mondial susceptible d’affecter la demande.
Malgré ces incertitudes, l’opération reste un cas d’école : celui d’un petit moshav israélien ayant su conjuguer vision à long terme, courage financier et gestion rigoureuse pour transformer un investissement industriel en succès boursier majeur.







