Après plus de deux années de mobilisation ininterrompue, les rassemblements hebdomadaires organisés par le siège des familles des otages vont probablement prendre fin à la fin du mois. Une décision douloureuse, surtout au regard de l’engagement répété du siège qui avait assuré ne pas interrompre ces rassemblements tant que le dernier otage n’aurait pas été ramené chez lui. Mais les ressources financières et humaines se sont épuisées, et les budgets restants seront désormais redirigés vers les actions choisies par les familles des trois otages encore détenus à Gaza.
Selon les informations de N12, trois personnes sont toujours prisonnières du Hamas : Dror Or, résident du kibboutz Béeri ; le combattant de la Yasam, le sergent-major Ran Gouili ; et le ressortissant thaïlandais Sottisak Rintlak. Leur sort reste une blessure profonde pour l’ensemble du pays, plus de deux ans après les massacres du 7 octobre et les enlèvements massifs orchestrés depuis la bande de Gaza.
Le siège des otages avait été créé le 8 octobre 2023, au lendemain de l’attaque, avec pour mission de coordonner les familles, centraliser leurs demandes et maintenir une pression constante sur les autorités israéliennes et la communauté internationale. Une structure née de l’urgence, composée de proches déterminés à ne laisser aucun otage devenir une statistique oubliée. Pendant plus de vingt-quatre mois, ce siège a organisé des marches, des vigiles, des rencontres diplomatiques, des rassemblements massifs place des Otages à Tel-Aviv, devenus un symbole national.
Mais le temps a usé les forces. Certaines familles ont quitté le siège, d’autres ont rejoint des initiatives parallèles, et les financements de départ — publics comme privés — ont progressivement diminué. Face à cette réalité, les responsables ont décidé de concentrer l’énergie restante sur des actions ciblées, décidées directement par les familles des otages encore vivants, afin de maximiser les chances de leur retour. Les rassemblements sur la place emblématique devraient donc s’arrêter, au moins temporairement.
La décision intervient dans un climat émotionnel complexe. D’un côté, la lassitude naturelle après des mois de mobilisation intense ; de l’autre, la peur d’envoyer un mauvais signal, celui d’un relâchement de la pression publique alors que trois otages demeurent en captivité. Beaucoup de familles craignent que l’arrêt des rassemblements n’offre au Hamas l’illusion que l’opinion publique israélienne passe à autre chose. À l’inverse, certains estiment qu’un investissement plus concentré, avec des actions diplomatiques et juridiques, pourrait être plus efficace qu’un rassemblement hebdomadaire devenu routinier.
Le siège a, durant toute cette période, servi de lien crucial entre les familles et les décideurs. Il a accompagné les proches dans leurs démarches avec des gouvernements étrangers, coordonné des voyages aux États-Unis, en Europe et même auprès d’instances onusiennes pour maintenir la question des otages au centre de l’agenda international. Si les rassemblements s’arrêtent, ces efforts ne disparaîtront pas : ils seront simplement réorganisés, plus directs, plus focalisés.
Cet arrêt temporaire s’explique aussi par un traumatisme persistant : plus de deux ans après l’attaque du 7 octobre, les familles restent confrontées à l’angoisse quotidienne, à l’absence d’informations fiables et à une douleur que le temps n’a que peu apaisée. La décision de cesser les rassemblements n’est en rien un renoncement ; elle reflète l’épuisement d’un mouvement citoyen qui, malgré sa force symbolique, ne peut lutter indéfiniment contre le silence et l’indifférence d’une partie de la communauté internationale.
Dans ce contexte, une question plane : comment préserver la visibilité des trois otages restants dans un espace médiatique saturé par d’autres crises, sécuritaires et politiques ? Les familles espèrent que la réorganisation du travail du siège permettra de concentrer les derniers moyens disponibles sur des actions plus ciblées, susceptibles d’atteindre les points de pression réels : diplomatie américaine, médiation égyptienne, et réseaux internationaux capables d’influer sur le Hamas.
L’émotion provoquée par la perspective de la fin des rassemblements révèle une vérité profonde : en Israël, la question des otages n’est pas une affaire politique, mais un traumatisme national. Les trois noms toujours détenus à Gaza — Or, Gouili, Rintlak — ne doivent pas quitter la conscience collective. Le siège, même sans rassemblements, continuera de porter cette responsabilité. Et le pays, lui, reste déterminé à ne laisser aucun de ses citoyens abandonné à son sort.






