La tempête qui secoue le Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien, ne faiblit pas. Après les révélations sur l’utilisation abusive d’outils de surveillance contre un ancien officier de réserve, un ex-cadre de l’organisation, Amit Asa, brise le silence. Dans une interview à la radio Aroutz 7, il accuse directement la direction actuelle du service d’avoir détourné ses prérogatives légales pour “régler un différend personnel” avec le général David Zini, pressenti pour prendre la tête du Shin Bet. “Ce n’est pas de la sécurité d’État, c’est une vendetta interne”, affirme-t-il.
L’affaire, explosive, révèle un engrenage inquiétant : selon Asa, des logiciels espions auraient été installés sur le téléphone d’un réserviste soupçonné d’avoir transmis des informations embarrassantes sur l’ancien chef du Shin Bet, Ronen Bar. Les données ainsi obtenues auraient ensuite été exploitées pour discréditer la candidature de David Zini, considéré comme son successeur potentiel. “C’est un détournement de pouvoir pur et simple”, s’indigne Asa. “Quand on utilise les outils les plus intrusifs de l’État pour protéger une carrière personnelle, on franchit une ligne rouge.”
L’ex-agent décrit un scénario glaçant : une surveillance interne autorisée sous prétexte d’“enquête de sécurité”, mais motivée par des rivalités hiérarchiques. “Il est arrivé dans le passé que le Shin Bet surveille ses propres membres en cas de soupçon d’espionnage”, concède Asa. “Mais ici, il ne s’agit pas de protéger Israël. Le but n’était pas d’empêcher une fuite de secrets d’État, mais d’éviter une humiliation publique pour Ronen Bar.”
D’après les éléments révélés, le réserviste visé par l’espionnage n’avait pas trahi de secrets militaires. Son seul “crime” aurait été d’avoir provoqué une gêne politique : il aurait contredit, par écrit, une déclaration de Bar lors d’une réunion gouvernementale, en affirmant que certaines activités de surveillance contre des ministres de droite avaient bien eu lieu. Cette note, devenue embarrassante pour le chef du Shin Bet, aurait déclenché la fureur du sommet de l’organisation — et la mise sous écoute illégale du fonctionnaire.
Les informations extraites de son téléphone auraient révélé des échanges avec David Zini, alors pressenti pour succéder à Ronen Bar. Selon Asa, ces conversations ont été utilisées pour bloquer sa nomination : “Un dossier confidentiel a été transmis à la commission Grunis, prétendument pour des raisons de sécurité. En réalité, c’était un sabotage bureaucratique.”
Pour Asa, cette dérive illustre une “maladie institutionnelle” au sein du service. “Quand la peur, la politique et les ego remplacent la mission de protection nationale, c’est tout le système qui vacille”, prévient-il. Il appelle à un “nettoyage des écuries d’Augias”, estimant que “le Shin Bet doit redevenir un organe professionnel, non un instrument de règlement de comptes.”
Les propos d’Asa résonnent comme une mise en garde sévère dans un contexte de crise de confiance. Depuis les échecs du 7 octobre 2023, le service fait face à des critiques sans précédent pour son incapacité à anticiper l’attaque du Hamas et pour la politisation croissante de ses décisions. “Le public ne distingue plus entre le Shin Bet et ses dirigeants”, déplore Asa. “La majorité des agents sont dévoués, intègres, et risquent leur vie chaque jour. Mais quelques hauts responsables ont transformé l’organisation en champ de bataille personnel.”
Selon plusieurs observateurs, la nomination de David Zini — ancien général réputé indépendant, venu de l’extérieur du service — pourrait marquer un tournant. “Zini incarne la rupture nécessaire”, commente un analyste sécuritaire. “C’est un militaire qui n’appartient pas à la vieille garde, et qui peut rendre au Shin Bet sa neutralité et sa rigueur.”
Cette affaire relance également le débat juridique sur les limites du mandat du Shin Bet. Faut-il lui accorder une latitude totale pour protéger la sécurité intérieure, quitte à risquer des abus ? Ou faut-il au contraire encadrer strictement ses moyens d’action ? Asa plaide pour une réforme législative : “Il faut redéfinir clairement ce qu’on appelle ‘subversion politique’. Aujourd’hui, le service a le pouvoir d’enquêter sur tout citoyen soupçonné de menacer l’État — mais cette notion n’est pas définie par la loi. C’est dangereux.”
En Israël, où la sécurité nationale est souvent invoquée pour justifier l’exception, cette affaire agit comme un révélateur. L’exemplarité du Shin Bet a toujours été un pilier de la démocratie israélienne ; la moindre suspicion d’abus y ébranle un équilibre fragile. Si les accusations d’Amit Asa se confirment, elles signifieraient que la frontière entre défense et manipulation a été franchie — au cœur même de l’appareil sécuritaire.
			






