Les messages virulents de Yoseph Haddad, relayés le 19 octobre, illustrent la rage d’une partie de la société israélienne après les massacres du 7 octobre et les retenues de corps d’otages. Entre exhortation à une riposte implacable et expression du deuil national, la rhétorique soulève des questions éthiques, stratégiques et juridiques : jusqu’où peut aller la parole publique en temps de guerre ?
Le 19 octobre 2025, Yoseph Haddad a multiplié les messages publics sur Telegram et X. Parmi eux, un passage clair :
« זה מבחן האמת- איך מגיבים להפרות של חמאס ולתקיפה של חיילי צה״ל! … צריך לגרום לעזה לבעור ולמחבלי חמאס … להישלח לגיהנום עוד היום!!! »
(Traduction : « C’est l’épreuve de vérité — comment réagir aux violations du Hamas et aux attaques contre nos soldats ! … Il faut faire brûler Gaza et envoyer les combattants du Hamas en enfer dès aujourd’hui !!! »).
Un autre message, dans un registre plus moqueur et menaçant, affirme :
« ולנו אין קשר למטוסים ולטנקים ולכוח האש שעזה הולכת לקבל בקרוב… אין לנו קשר לכל זה. סלאמת! »
(Traduction : « Nous n’avons rien à voir avec les avions, les chars et le feu que Gaza va bientôt recevoir… nous n’avons rien à voir avec tout cela. Salut ! »).
Ces formules — explosives, certes compréhensibles dans un contexte de deuil et de colère — se situent au croisement du discours de guerre et de l’incitation symbolique. Elles circulent largement sur les réseaux, alimentant débats et polémiques.
Analyse : colère, humiliation et mandat moral
La rhétorique de Haddad doit être replacée dans son contexte : ancien officier, père de famille engagé auprès des victimes, il parle depuis la douleur et l’urgence d’une nation qui réclame justice. La colère est réelle — et légitime — mais les mots choisis pèsent lourd. Appeler à « brûler Gaza » est à la fois un cri de vengeance et une formulation qui, si elle était mise en œuvre littéralement, pose d’immenses problèmes juridiques et humanitaires.
Sur le plan stratégique, des voix de la société israélienne expliquent que la fermeté est nécessaire pour démanteler les capacités de nuisance du Hamas. Mais dès lors que la rhétorique bascule vers la « destruction totale », elle rencontre les garde-fous du droit international (principe de proportionnalité, distinction combattants/civils) et expose Israël à des pressions internationales accrues. Voir les analyses du ICRC et d’organisations internationales sur la conduite des opérations en territoire densément peuplé.
Enjeux juridiques et moraux
La loi de la guerre (DIH — droit international humanitaire) ne permet pas aux acteurs d’exhorter ouvertement à des frappes visant des populations civiles ; elle exige la proportionnalité et la protection des civils. Les propos publics qui appellent à des destructions massives peuvent être invoqués par des tribunaux ou organismes internationaux comme contextualisation en cas d’enquête sur d’éventuelles violations. Les juristes rappellent que « la rhétorique de guerre n’exonère pas des obligations internationales ». (ICRC Commentary).
Effets politiques internes
Politiquement, ces appels à la radicalité renforcent les positions des ministres les plus durs et peuvent peser sur l’exécutif : certains responsables demandent une action immédiate et disproportionnée, d’autres freinent, craignant le coût humain et diplomatique. La société israélienne demeure polarisée : entre désir de vengeance et souci de légitimité internationale, le gouvernement navigue sur un fil. Channel 12 et Ynet analysent régulièrement cette tension.
Risque de dérapage et responsabilité des leaders d’opinion
Des voix modérées appellent à la responsabilité verbale : la liberté d’expression existe, mais en période de guerre les propos publics ont une puissance performative — ils peuvent légitimer des actes extrêmes. Les leaders d’opinion, anciens officiers et personnalités militaires inclus, portent une responsabilité particulière. Un État démocratique doit protéger sa population sans renoncer à ses normes juridiques. (Haaretz / analyses juridiques).
Les messages de Yoseph Haddad traduisent une douleur profonde et une soif de justice compréhensible. Mais la démocratie impose des limites à la vengeance. La victoire militaire ne peut être la seule boussole : légalité, protection des civils et perspective politique sont indispensables pour qu’une paix durable soit possible après la guerre. Dans ce débat, la parole publique doit peser ses conséquences — tant pour la stratégie que pour l’âme d’un pays.
Sources principales : déclarations publiques de Yoseph Haddad (19.10.2025, comptes Telegram/X); ICRC – principes du droit international humanitaire; analyses de Ynet, Channel 12 et Haaretz sur la rhétorique de guerre; rapports juridiques.
.