La fin de la fête de Roch Hachana a tourné au casse-tête logistique pour plusieurs centaines de pèlerins israéliens revenus d’Ouman. Après avoir franchi la frontière roumaine depuis l’Ukraine, ils se sont retrouvés bloqués et incapables de rejoindre Israël. Face à cette situation, le gouvernement a sollicité les compagnies aériennes nationales afin de déployer des vols spéciaux de secours.
Des pèlerins coincés aux portes de l’Europe
Chaque année, des dizaines de milliers de fidèles affluent dans la ville ukrainienne d’Ouman pour se recueillir sur la tombe du rabbin Nahman de Bratslav, figure fondatrice du mouvement hassidique. Mais en 2025, le retour vers Israël a été semé d’embûches. Des retards massifs aux postes-frontières de Roumanie, notamment à Tulcea, ont empêché de nombreux pèlerins d’embarquer à temps. Certaines compagnies ont même annulé des vols faute de passagers présents à l’aéroport.
Résultat : des centaines d’Israéliens, parfois en famille, se sont retrouvés bloqués en Roumanie, sans solution immédiate pour regagner leur pays. D’après certains témoignages, des voyageurs ont évoqué des « retards intentionnels » de la part des autorités locales, ce que Bucarest n’a pas confirmé. Mais la principale explication semble être la saturation : les flux massifs de pèlerins dépassent largement les capacités d’infrastructures frontalières déjà limitées.
Intervention politique directe
Alertés par les familles et par les médias, plusieurs ministres israéliens ont pris l’initiative de contacter directement les compagnies aériennes. La ministre des Transports Miri Regev, le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le président du Shas, Aryeh Deri, ont ainsi demandé à El Al et à Israir d’affréter des vols supplémentaires.
El Al a répondu dès samedi soir en déployant un vol spécial de 300 places au départ de Bucarest. Ce dimanche, Israir prévoit d’envoyer trois vols de secours depuis Bucarest et Bakou, avec 540 sièges disponibles par avion. La demande a été telle que tous les billets ont été vendus en quelques heures.
Des précédents sensibles
Ce n’est pas la première fois que des Israéliens se retrouvent bloqués à l’étranger à la suite de fermetures ou de perturbations aériennes. On se souvient du précédent de l’opération « Am Kelavi », lorsque l’espace aérien avait été temporairement fermé et que des milliers de passagers n’avaient pas pu regagner Israël. À ce jour, aucun accord de compensation n’a été conclu pour ces voyageurs, et plusieurs recours collectifs sont encore pendants devant la justice.
Dans ce contexte, la nouvelle vague de passagers bloqués pourrait relancer le débat sur la responsabilité des compagnies et du gouvernement en cas de perturbations massives. Les transporteurs aériens, déjà fragilisés par les procédures judiciaires, craignent de se voir à nouveau exposés à une avalanche de plaintes.
Une logistique hors norme
Pour les compagnies aériennes, l’opération représente un effort exceptionnel. Organiser en quelques heures des vols transfrontaliers, mobiliser des équipages, trouver des créneaux dans des aéroports saturés et absorber des centaines de passagers supplémentaires n’est pas chose aisée. Mais la pression publique et l’enjeu religieux de ce rapatriement ont contraint El Al et Israir à faire preuve de réactivité.
Selon des sources proches du ministère des Transports, d’autres vols pourraient être ajoutés dans les prochains jours si le nombre de pèlerins bloqués reste important. L’objectif affiché est clair : ramener en Israël tous les voyageurs d’Ouman avant la fin des fêtes de Tichri.
Conséquences diplomatiques et sociales
L’épisode pourrait également avoir des répercussions diplomatiques. La Roumanie, partenaire stratégique d’Israël en Europe de l’Est, se retrouve pointée du doigt par plusieurs voix qui l’accusent de ne pas avoir su gérer correctement l’afflux de voyageurs. Bucarest devra probablement justifier sa gestion face à Jérusalem, qui souhaite éviter que ces tensions ne se répètent lors des prochains pèlerinages.
Sur le plan intérieur, ce nouvel incident met en lumière les tensions récurrentes entre le pouvoir politique, soucieux d’apporter des solutions rapides aux citoyens, et les compagnies aériennes, contraintes de jongler entre exigences financières, contraintes juridiques et impératifs de sécurité.
Ce dimanche, l’espoir renaît pour les pèlerins toujours coincés en Roumanie et en Azerbaïdjan : les vols de secours devraient permettre à plusieurs centaines d’entre eux de retrouver leurs familles en Israël à temps pour les fêtes. Mais la crise souligne une nouvelle fois la fragilité des dispositifs de retour massifs et la nécessité de mieux anticiper ces flux religieux récurrents. Entre ferveur spirituelle, logistique aérienne et enjeux politiques, la « saga d’Ouman » continue de poser un défi annuel à l’État d’Israël.
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