La tension est montée d’un cran entre la ministre israélienne de l’Égalité sociale, Mai Golan, et la justice. Lundi, après une série de perquisitions menées dans ses bureaux de Jérusalem et l’arrestation de plusieurs de ses collaborateurs, la ministre a violemment attaqué la procureure générale Gali Baharav-Miara et menacé de ne pas se présenter à sa convocation. « Je suis une ministre qui a grandi dans le sud de Tel-Aviv parmi les toxicomanes et les prostituées. Je n’ai pas peur des intimidations », a-t-elle lancé, accusant la magistrate de nourrir un conflit d’intérêts et de chercher à la faire taire.
Selon les enquêteurs de l’unité nationale anti-fraude Lahav 433, l’affaire vise des soupçons de corruption, de fraude et d’utilisation abusive de fonds publics au sein du ministère de l’Égalité sociale. Des documents révèlent notamment des soupçons d’emplois fictifs, de détournements par le biais d’associations et de paiements injustifiés. Lors des perquisitions, la police a également découvert chez une employée de la ministre une petite plantation de cannabis, ce qui a conduit à l’arrestation de son mari. Golan dénonce, elle, une opération “politique” orchestrée par ses adversaires et amplifiée par les médias.
Dans une déclaration enflammée publiée sur ses réseaux sociaux, la ministre a affirmé : « Pendant des mois, on m’a accusée d’avoir reçu des pots-de-vin. Aujourd’hui, la police reconnaît qu’il n’y a aucune preuve. Tout est faux, il n’y a jamais eu de corruption. » Elle a conditionné sa venue à l’interrogatoire à la libération immédiate de ses collaborateurs arrêtés : « J’envisagerai de me présenter uniquement lorsque mes gens seront libérés. Ils n’ont commis aucun crime, leur seul tort est d’avoir travaillé avec moi. »
Le parquet rappelle toutefois que ce n’est pas la première fois que Golan se retrouve sous le feu de la justice. En janvier déjà, elle avait dû comparaître après avoir longtemps refusé de coopérer à une enquête sur un accident de la route survenu en 2020, dans lequel elle était soupçonnée d’avoir brûlé un feu rouge et percuté un motard. À l’époque, le dossier avait été classé en raison de son immunité parlementaire, avant d’être rouvert sous la pression du plaignant. Cet épisode avait renforcé l’image d’une élue rétive à toute mise en cause judiciaire.
L’affaire actuelle, baptisée dans la presse israélienne “la fête de l’argent”, constitue toutefois un test bien plus sérieux. Si les soupçons venaient à être confirmés, il s’agirait d’un cas majeur de corruption au sein d’un ministère clé de la coalition Netanyahou. Le Premier ministre, fragilisé par la guerre et les tensions diplomatiques, n’a pas encore réagi officiellement, mais la pression monte sur le gouvernement. L’opposition, de son côté, accuse Netanyahou de protéger des ministres contestés pour préserver sa majorité, au détriment de l’intégrité de l’État.
Au-delà de la bataille judiciaire, l’affaire Golan illustre la polarisation extrême de la vie politique israélienne. Pour ses soutiens, la ministre est une cible d’un système judiciaire hostile à la droite nationaliste, une “bibiste” victime de persécutions. Pour ses détracteurs, elle incarne l’arrogance d’une classe politique persuadée de pouvoir échapper à la loi. Une chose est sûre : en menaçant de boycotter sa convocation, Mai Golan a ouvert un bras de fer inédit avec la justice israélienne. Et ce duel, au cœur d’un gouvernement déjà miné par les scandales, pourrait bien avoir des conséquences explosives pour l’équilibre fragile de la coalition.
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